C’est une fresque romanesque qui fait plonger dans le quotidien d’une modeste famille d’artisans, aux pieds des Alpes. Zéphir fait des chaussures en cuir, Anselme tord le bois pour façonner les premiers skis. Il y a le rêve des sommets, les prémices du tourisme hivernal et la dureté de la vie montagnarde. La famille Baud souffre du froid, des maladies, des blessures de guerre pour les hommes et des accouchements funestes pour les femmes. Dans un style naturaliste qui prend les accents vernaculaires du pays, l’écriture de Frédérique-Sophie Braize bouillonne de détails et de générosité.
Si l’entrée en matière donne du fil à retordre au lecteur qui peut se perdre dans la présentation quelque peu labyrinthique des personnages, on se prend finalement à s’accrocher à ces mots oubliés du terroir, dépoussiérés par l’auteur, à s’attacher à la jeune Coqueline et à la vieille Nant-Nant, à ces personnages entiers, ombres cassées de la guerre ou désir débordant d’un avenir meilleur. L’émotion prend le dessus, emmenée par une intrigue qui dévoile petit à petit un des plus grands scandales de l’industrie pharmaceutique de cette époque, dont les premières victimes furent les pauvres gens. Un monchu – bourgeois endimanché venu de Paris – s’aventure un jour sur les sentiers reculés de Savoie pour vanter une sélection de produits miracle enrichis au radium, gages, selon lui, de bonne et parfaite santé…
« Sœurs de lait », de Frédérique Sophie-Braize, éditions De Borée, 19,90 €.