« Les pharmacies devraient cesser de vendre des médicaments homéopathiques », ont estimé 62 % des pharmaciens ayant participé à un atelier sur « le grand débat de l’homéopathie » organisé mardi dernier lors du congrès de la FIP à Glasgow. Cette dernière sera amenée à se prononcer, de manière officielle cette fois, sur ce sujet dans les mois à venir.
Cette « motion » n’a pas en soi de valeur statistique, puisque seuls les pharmaciens présents à cet atelier, autour de 150, ont voté à l’issue des échanges qui ont suivi les présentations générales de la question, assurées par un pharmacien détracteur de cette discipline et une de ses consœurs qui y est au contraire favorable.
Pour l’universitaire anglais Geoff Tucker, le principe des dilutions extrêmes équivaut à celui de la goutte d’eau dans l’océan, et la pharmacocinétique de l’homéopathie peut se résumer par un diagramme vide. Enfonçant le clou il a cité un responsable des pharmacies Boots qui expliquait à son personnel qu’il faut vendre de l’homéopathie « non parce qu’elle marche, mais parce qu’elle se vend bien », et a rappelé enfin que si elle n’est pas dangereuse en elle-même, elle fait toutefois courir de graves risques aux patients en raison des retards de traitements « classiques » qu’elle peut engendrer. La situation est, selon lui, particulièrement grave dans les pays en développement confrontés au paludisme, au SIDA et à la tuberculose, pour lesquels l’homéopathie est parfois proposée.
Une question de confiance
Face à lui, Christine Glover, officinale britannique, a tenté de démonter, avec autant de passion, les arguments de son contradicteur, rappelant « l’efficacité » de l’homéopathie et dénonçant « des campagnes mondiales contre l’homéopathie orchestrées par l’industrie pharmaceutique qui veut conserver ses marchés ».
Au-delà des arguments pour et contre, ont souligné ensuite des enseignants australiens et sud africains, l’homéopathie pose de nombreux problèmes éthiques aux pharmaciens, avec d’un côté le respect de l’autonomie des patients, et de l’autre la sécurité et l’efficacité. De plus, « quand on donne un placébo, on sait que c’en est un, alors que pour l’homéopathie, on ne sait pas vraiment si c’est un médicament », relevaient-ils.
Par ailleurs, qu’en est-il de son impact pour le pharmacien lui-même, en dehors de son aspect économique ? « Les pharmaciens bénéficient d’une forte confiance de la population, mais devraient arrêter l’homéopathie s’ils veulent la conserver », a conclu Geoff Tucker. Pour d’autres participants au contraire, les gens ont confiance dans leur pharmacien, « le scientifique de la rue principale », qui leur délivre les produits qui leur font du bien, dont l’homéopathie.
Seule intervenante française dans la salle, Sabine Minne, pharmacienne à Annonay, a relevé le paradoxe actuel entre « les critiques contre l’homéopathie et les louanges quasi généraux accordés au cannabis médical, alors que l’un n’est finalement pas plus validé scientifiquement que l’autre ». Elle estime que le rejet de l’homéopathie révèle une forte méconnaissance de la psychologie des patients, et notamment de celle des parents qui aident leurs enfants à aller mieux tout en se rassurant eux-mêmes. Il serait dommage, selon elle, d’appauvrir les moyens thérapeutiques dont disposent les pharmaciens.
Si la FIP n’a bien sûr pas le « pouvoir » de bannir l’homéopathie des officines, elle devra, conformément à son engagement pris avant cette rencontre, se pencher d’une manière officielle sur le sujet, ce qui laisse prévoir de nouveaux échanges animés, cette fois entre les représentants statutaires des 183 associations de pharmaciens qui la composent à travers le monde.