Le biomarqueur Oncotype DX arrivera-t-il à convaincre les autorités sanitaires en France ? Les nouveaux résultats présentés à la 10e conférence sur le cancer du sein (EBCC-10) pourraient y contribuer en faisant écho à la vaste étude Tailor-X publiée récemment dans le « New England Journal of Medicine ».
Le test génétique Oncotype est proposé outre-Atlantique dans le cancer du sein à un stade précoce depuis 2008. En analysant 21 gènes spécifiques, dont 16 de prolifération tumorale, ce biomarqueur qui indique un score de récurrence (RS allant de 0 à 100) permettrait d’éviter une chimiothérapie inutile aux femmes ayant un RS faible.
Malgré son potentiel d’aide à la décision, ce test génétique n’est pas recommandé en France. Malgré des équipes très actives au niveau national, comme à l’Institut Curie (Pr Roman Rouzier), l’Institut national du cancer (InCA) avait conclu, dans un rapport daté de décembre 2013, « continuer à ce stade (...) d’exprimer des réserves concernant la diffusion et la prise en charge financière » pour 3biomarqueurs tissulaires (Oncotype DX, uPA/PAI-1, MammaPrint).
Oncotype retoqué fin 2013 par l’InCA
Pour ce qui est d’Oncotype, l’étude Tailor-X a marqué un tournant suite à la publication en septembre 2015 de résultats chez 10 000 femmes ayant un cancer hormono-dépendant (HR+), HER2 négatives et sans atteinte ganglionnaire. Dans le groupe considéré à faible risque génomique et traité par hormonothérapie seule, la survie sans rechute à distance et la survie globale étaient respectivement de 99,3 % et 98 %.
C’est un pas supplémentaire que fait la West German Study (WGS) présentée à l’EBCC-10 en étendant ce type de résultats à des femmes ayant un cancer du sein précoce avec ganglionnaire (1-3 ganglions) N1.
Entre 2009 et 2011, l’essai a inclus 3 198 patientes âgées en médiane de 56 ans. Chez 348 patientes HR+ HER2- (15,3 %) ayant un score RS faible (RS‹11), seule une hormonothérapie avait été administrée, sans chimiothérapie adjuvante. Les autres, les patientes ayant un RS›11 et/ou ≥4 ganglions envahis et/ou des récepteurs hormonaux négatifs, avaient été traitées par chimiothérapie.
Un test à associer aux marqueurs classiques
Après un suivi de 55 mois, la survie globale et sans récidive était de 94 % chez les patientes à risque faible traitées par hormonothérapie seule. Par comparaison, la survie sans récidive était de 94 % dans le groupe à risque intermédiaire et de 84 % dans le groupe à haut risque de récurrence.
Pour le Dr Oleg Gluz, investigateur principal de l’étude à Mönchengladbach : « les données montrent clairement une valeur pronostique plus forte pour le RS que pour d’autres outils immuno-histochimiques, tels que le Ki67 et l’expression de récepteur hormonal. Ce qui va dans le sens d’incorporer ce test, en association à l’atteinte ganglionnaire, le grade et le stade de la tumeur, en pratique de routine pour décider du traitement ».
Alors que des données sont attendues pour Mammaprint, un autre biomarqueur, le Pr Nadia Harbeck, auteur senior de WSG, espère que « le remboursement (...) sera désormais possible dans la plupart, sinon tous les pays européens ». Cet avis est relayé par la présidente de l’EBCC-10, le Pr Fatima Cardoso, qui appelle à un remboursement « très rapide » pour le rendre accessible en Europe.
La réponse à une bithérapie anti-HER2
Pour les cancers HER2 +, une étude britannique suggère que la réponse à une bithérapie anti-HER2 avant la chirurgie pourrait déterminer très précocement l’utilité d’une chimiothérapie adjuvante. L’étude UK EPHOS-B menée chez 257 femmes entre novembre 2010 et septembre 2015 a identifié un groupe de patientes ayant très bien réagi avec disparition totale de la tumeur à 11 jours. Pour le Pr Nigel Bundred, de l’université de Manchester et auteur principal, ce groupe de patientes « potentiellement pourraient ne pas avoir besoin de chimiothérapie adjuvante ».
L’essai s’est déroulé en deux temps. D’abord, pour 130 femmes, la randomisation concernant le traitement pour les 11 jours, après le diagnostic et avant la chirurgie, s’est faite entre groupe témoin (pas de traitement), groupe trastuzumab (Herceptin), et groupe lapatinib (Tyverb). À partir d’août 2013, les 127 femmes suivantes ont été randomisées entre groupe témoin, groupe trastuzumab ou groupe trastuzumab+lapatinib.
Dans le groupe bithérapie anti-HER2 (n=66), les chercheurs ont constaté une absence ou une réduction de la maladie invasive. Outre une baisse ≥30 % du marqueur Ki 67, une réponse complète pathologique a été observée dans 11 % des cas (n=7) et une maladie résiduelle minimale, c’est-à-dire une tumeur invasive‹5 mm, dans 17 % des cas (n=11).
Pour le Pr Fatima Cardoso : « Très probablement, des patientes peuvent être traitées par un double blocage anti-HER2, sans chimiothérapie. Cette étude propose un moyen simple pour les identifier très tôt, ce qui pourrait leur éviter une chimiothérapie inutile. Il est maintenant indispensable de confirmer ces réponses précoces (...) sur la survie à long terme ».
Chez les jeunes, une chimio intensive relance l’enjeu de la fertilité
Pour les cancers avant la ménopause, considérés à risque plus élevé de rechute, une méta-analyse suggère des bénéfices à administrer une chimiothérapie toutes les deux, et non pas toutes les 3 semaines. D’après les données de 3 305 patientes issues de deux essais randomisés de phase III (MIG1 et GIM2), la survie à globale à 10 ans était améliorée de près d’un tiers avec un schéma intensif par rapport à un protocole standard, et ce sans augmenter davantage le risque de ménopause précoce. Le bénéfice semble plus important pour les tumeurs HR- que pour celles hormono-sensibles.
Pour le Dr Matteo Lambertini, de Gênes et principal auteur : « Ce sont des informations très importantes pour conseiller les jeunes patientes au sujet du choix de la chimiothérapie adjuvante. (...) La survenue d’une aménorrhée iatrogène, puis la perte consécutive de la fonction ovarienne, ont un impact négatif sur la santé globale (...). Ces résultats soulignent l’importance d’essayer de maintenir la fonction ovarienne et la fertilité des jeunes patientes (...) candidates à une chimiothérapie en âge de procréer ».