« SI LA FRÉQUENCE du cancer du sein en France a bien augmenté entre 2000 et 2005, la mortalité associée à cette maladie a au contraire baissé », rappelle Danielle Roquier-Charles, en introduction de la soirée « Les pharmaciens à Eurocancer » consacrée cette année au premier des cancers féminins. Un résultat qui, indubitablement, est l’un des effets du dépistage organisé (DO) systématique accordé en France à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans (voir notre encadré), souligne le Dr Marc Espié. Oui mais voilà, tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Car le DO n’est pas sans défaut.
D’abord, certaines femmes en sont exclues. Par définition, celles âgées de moins de 50 ans ou de plus de 74, mais aussi celles déjà traitées pour un cancer du sein ou à risque accru. Par ailleurs, la question de la fiabilité du DO peut légitimement se poser, reconnaît le spécialiste. « Le DO est souvent critiqué pour être imparfait. Il existe en effet des faux négatifs, c’est-à-dire que la mammographie n’a pas permis de mettre en évidence le cancer alors qu’il était là. Mais il existe aussi des faux positifs générateurs d’anxiété. Enfin, on observe parfois des cancers dits « de l’intervalle » qui évoluent rapidement entre deux mammographies. »
Effets indésirables et polémiques.
La douleur ressentie, ou plutôt la crainte de la douleur, figure au rang des effets redoutés de la mammographie. Mais une étude menée sur 200 femmes âgées de plus de 40 ans interrogées juste après l’examen* montre que 96 % d’entre elles rapportent que la douleur était inférieure ou égale à ce quoi elle s’attendait. De même, 94 % des femmes interrogées étaient d’accord pour refaire une mammographie l’année suivante. Quant aux risques liés à l’irradiation, ils ne sont pas négligeables, souligne le Dr Espié. Ainsi, 1 à 5 décès par cancer du sein pourraient être induits pour 100 000 femmes ayant effectué une mammographie annuelle pendant 10 ans à partir de l’âge de 50 ans. « Mais il faut pondérer ce constat par le fait que si l’on attend 24 % de réduction de mortalité pour cette tranche d’âge cela représente un bénéfice/risque de 48,5 vies sauvées pour une vie perdue, » fait-il aussitôt remarquer. Au-delà, les nombreuses études mettant en évidence un impact sur la mortalité des femmes ayant fait l’objet d’un DO sont sujettes à polémique. Différences dans les méthodologies adoptées, différences dans les populations recrutées et différences de reculs et de durées de suivis, tous ces éléments invitent à beaucoup de circonspection, résume le Dr Marc Espié.
Les effets négatifs des faux positifs.
La fréquence des faux positifs alimente également la polémique autour de l’opportunité du DO du cancer du sein. Deux études suédoises ont montré qu’environ 4 % de mammographies donnaient lieu à un faux positif, rapporte le Dr Marc Espié (en première lecture). Or ces faux sont potentiellement responsables de biopsies dans 6 à 18 % des cas. À savoir, précise le médecin, le nombre de biopsies après faux positifs est variable selon les pays. Très élevé aux États-Unis, il est ainsi plus faible en Grande-Bretagne et très faible en Hollande. Mais surtout, le DO et ses faux positifs induiraient une anxiété chez les femmes qui peut aller jusqu’à la dépression.
« Au total, conclut le Dr Espiè, si les résultats « grandeur nature » des essais hollandais, danois et britanniques sont encourageants, la valeur du DO reste à valider à l’échelle d’une population. Quoi qu’il en soit, en 2005 en France, sur les 11,5 % de mammographies qui ont nécessité un bilan, celui-ci a confirmé l’image anormale dans 42,5 % des cas. »
D’après la soirée « Les pharmaciens à Eurocacncer » du 21 juin 2011.