AINSI que l’a d’abord rappelé François Chast, l’histoire de cette classe, associée depuis 1945 à celle des amphétaminiques, a vraiment commencé en Suisse il y a une quarantaine d’années avec la survenue d’une « épidémie » d’hypertensions artérielles pulmonaires, une pathologie grave mais en principe rare. Il faudra plusieurs années avant qu’un lien ne soit fait avec la prise d’Aminorex, un anorexigène non commercialisé en France, ce qui aboutira au début des années soixante-dix à son retrait du marché.
« Ce médicament présentait déjà dans sa structure un reste phényléthylamine qui constituera une constante de nombreux médicaments de l’obésité », a souligné François Chast.
Catécholaminergiques puis sérotoninergiques.
Les décisions de retrait successivement prises par les autorités sanitaires en 1997 concernant les anorexigènes catécholaminergiques (amfépramone, clobenzorex...) ont été alors motivées par une efficacité, au regard de la perte pondérale, relativement modeste, un effet s’épuisant progressivement et par un risque de pharmacodépendance (ces produits ont été reconnus comme étant des psychotropes) incompatible avec un traitement prolongé.
Le développement d’une nouvelle génération (fenfluramine, dexfenfluramine), basée cette fois sur un « paradigme sérotoninergique qui méritait d’être évalué », a soulevé durant un temps un grand espoir. « Hélas, le risque d’hypertension artérielle pulmonaire était encore bien présent et une étude réalisée par Lucien Abenhaïm parue en août 1996 évaluait la majoration de ce type compris en 10 et 20, ce qui aboutit d’abord à une suspension de ces produits en 1997 puis à leur arrêt en 1999 », a précisé François Chast.
La sibutramine, quant à elle, qui bénéficie d’un mécanisme mixte, à la fois catécholaminergique et sérotoninergique, a été retirée du marché cette année en raison de ses effets indésirables de nature cardiovasculaire, à type d’hypertension artérielle, de tachycardie et de troubles du rythme cardiaque.
L’espoir vite déçu des cannabinoïdes.
Premier antagoniste des récepteurs cannabinoïdes de type 1 à être commercialisé, « le rimonabant a soulevé un espoir considérable, bien qu’il présentât toujours un noyau phényléthylamine », a rappelé François Chast. Son profil global était d’autant plus intéressant qu’en plus de son effet sur le surpoids, il augmentait la synthèse d’adiponectine (une protéine sécrétée par les adipocytes diminuant la résistance à l’insuline) et élevait le taux de HDL-cholestérol.
Las, après avoir été refusé par les autorités américaines, le rimonabant devait être, lui aussi, retiré du marché européen deux ans après son lancement en raison d’effets indésirables de nature psychotropes (dépressions, tentatives de suicide, suicides).
Lercasérine, dernier en date.
Mais les recherches fondamentales avaient progressé. « Alors que l’on sait que l’effet anorexigène est principalement médié par les récepteurs à la sérotonine 5-HT1B et 5-HT2C, des travaux américains publiés dans le courant de l’année 2000 ont montré que la fenfluramine et son métabolite, la norfenfluramine, sont des activateurs des récepteurs 5-HT2B, nombreux au niveau des valves cardiaques et que cette activation induit une multiplication des myofibroblastes associée à une importante sécrétion de mucopolysaccharides se fixant sur les valves pour finir par constituer une gangue fibreuse, entraînant un épaississement et une rétraction valvulaires. » Cela conduit à penser que le développement de nouvelles molécules présentant une action plus ciblée pourrait représenter enfin la solution.
De fait, la lercasérine en cours de développement est un agoniste des récepteurs 5-HT2C centraux et ne présente qu’une beaucoup trop faible affinité pour les 5-HT2A et 5-HT2B. Mais bien qu’un essai de phase III publié en juillet 2010 ait montré des résultats très intéressants associés à une pharmacovigilance sur 2 ans tout à fait favorable, dans leur avis publié en septembre dernier, les experts de la FDA américaine n’ont pas émis d’avis favorable à son sujet. Après plusieurs décennies d’échecs successifs, les préoccupations actuelles sont en effet dominées par la crainte de faire courir le moindre risque lié à la prise de médicaments susceptible de se prolonger de nombreuses années.
Fin de la saga ou nouveaux horizons ?
Souhaitant néanmoins terminer son exposé sur une note optimiste, François Chast s’est déclaré confiant dans l’imagination sans cesse renouvelée des pharmacologues, soutenue par les considérables progrès réalisés ces dernières années en ce qui concerne la physiologie de l’obésité et en particulier sur les nombreux circuits neuroendocriniens impliqués, qui représentent autant de cibles pharmacologiques, et de pistes de recherche, potentielles.