Quelques conseils pour toutes les toux

Par
Publié le 22/02/2024
Article réservé aux abonnés

Symptôme des pathologies hivernales par excellence, la toux n’en finit pas d’occuper les pharmaciens. L’offre thérapeutique se réduit comme peau de chagrin, mais pour le pharmacien cela rend encore plus important son rôle de conseil et d’orientation face à la diversité des plaintes exprimées au comptoir.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Les expectorants favorisent l’évacuation du mucus en augmentant son hydratation et son volume

Les expectorants favorisent l’évacuation du mucus en augmentant son hydratation et son volume
Crédit photo : GARO/PHANIE

Cas de comptoir

Le contexte :

« Mon rhume tombe sur mes bronches et je n’arrête pas de tousser et d’avoir envie de cracher depuis 5 jours. Qu’est-ce que vous pouvez me conseiller? »

Votre réponse :

« A la description des symptômes, il s’agit d’une toux productive liée à l’encombrement des voies respiratoires. Il faut effectuer des lavages de nez fréquents pour éliminer les sécrétions et y associer un sirop expectorant. »

Quelques définitions

Toux : symptôme fréquent lié, dans la majorité des cas, à une affection des voies respiratoires. Elle correspond à une expiration brusque et bruyante, volontaire ou réflexe, visant à expulser les sécrétions ou corps étrangers encombrant l’arbre respiratoire.

Toux aiguë : récente, transitoire et survenant dans un contexte souvent infectieux (rhino-pharyngite, bronchite…) ou due à un agent irritant

Toux chronique : persistante depuis plus de 3 semaines, pouvant traduire une pathologie sous-jacente

Toux sèche : toux non productive, irritante et fatigante, déclenchée par la stimulation des récepteurs tussigènes situés dans les voies aériennes et pulmonaires

Toux grasse : productive et à respecter car utile, la toux grasse permettant la remontée des sécrétions encombrant les voies respiratoires grâce à l’action des cils vibratiles.

Mucus : gel sécrété par les cellules caliciformes et les glandes péri-bronchiques recouvrant l’épithélium trachéal et bronchique. Sa composition (95 % d’eau, ions, mucines et glycoprotéines) lui permet d’assurer les défenses immunologie, chimique et mécanique de l’arbre respiratoire.

Les cils vibratiles permettent de faire remonter les substances étrangères absorbées par le mucus. Lors de pathologies responsables d’hypersécrétions bronchiques, le mucus plus visqueux et plus élastique, empêche le mouvement normal des cils vibratiles.

Un peu de physiopathologie

La toux est un acte de défense déclenché par la stimulation de différentes structures dont les voies aériennes hautes (larynx, trachée, bronches), l’œsophage distal et le conduit auditif externe. Ainsi activés, les récepteurs transmettent l’information jusqu’au tronc cérébral viale nerf vague dans le centre réflexe de la toux. Un signal efférent est alors émis en direction des muscles expiratoires pour mettre en place la mécanique de la toux : inspiration profonde ;fermeture de la glotte et contraction des muscles expiratoires, provoquant la mise en pression de la cage thoracique  ; ouverture soudaine de la glotte et expiration forcée, à l’origine d’une secousse ; compression des voies aériennes pour expulser l’air et propulser le mucus, les sécrétions purulentes ou des particules étrangères.

Si la toux est un symptôme, elle peut être à l’origine de complications telles qu’une insomnie, un état de fatigue, des nausées, une incontinence urinaire, des céphalées, voire une douleur thoracique, des fractures de côte, une hernie inguinale ou abdominale, un pneumothorax…

3 semaines, est la durée à partir de laquelle une toux peut être définie comme chronique (et traduire une pathologie sous-jacente)


La toux et ses causes

La toux peut avoir une origine chimique liée à l’irritation des voies respiratoires par l’inhalation de gaz, de fumées (tabagisme actif et passif) ou de vapeurs ou bien thermique dans un contexte de refroidissement. Elle est inflammatoire lorsqu’elle est liée à une allergie ou à l’asthme, mécanique en cas de troubles de la déglutition ou infectieuse (liée à une pathologie comme la coqueluche, la tuberculose, les pneumonies, la diphtérie…). Ne pas oublier la cause iatrogène avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion provoquant la survenue d’une toux chronique quelques semaines après leur introduction. Elle cesse entre 4 et 6 semaines après leur arrêt.

Les toux d’origine iatrogène cessent entre 4 et 6 semaines après l’arrêt du traitement incriminé

Les mots du conseil

L’interrogatoire du pharmacien

Le pharmacien demande si la toux est sèche ou grasse, en précisant si le patient est gêné par des quintes irritatives ou des sécrétions. La présence de pathologies chroniques doit être demandée ainsi que des symptômes associés (écoulement nasal, fièvre…). La durée de la toux permet de distinguer une toux récente d’une toux chronique. Enfin, l’horaire de la toux est pertinent à connaitre car évocateur de certaines pathologies. Si elle est nocturne, elle peut être liée à de l’asthme ou une décompensation cardiaque chez un adulte hypertendu ou coronarien. Diurne, elle est évocatrice d’une allergie, d’une infection voire d’une pathologie liée à l’inhalation de produits chimiques…Chez les fumeurs, la toux survient généralement le matin pour « nettoyer » les poumons tandis qu’une toux post-prandiale est liée à un reflux gastro-œsophagien.

Direction : le médecin

Les critères de gravité de la toux, nécessitant une orientation médicale, sont les suivants :

- survenue d’une cyanose pouvant être liée à une fausse route alimentaire ou à la présence de corps étrangers dans les voies aériennes supérieures ;

- expectorations rose saumoné et tachycardie, évocateurs d’un œdème aigu du poumon ;

- saignements, chronicité de la toux et altération de l’état général faisant appel à une possible tuberculose ou un cancer broncho-pulmonaire ;

- toux sèche et douleur thoracique violente, symptômes d’un pneumothorax ;

Application des mesures hygiéno-diététiques

Chez les patients fumeurs, la diminution du tabac, voire son arrêt, permet d’améliorer la toux et limiter ses récidives. Il faut également penser à aérer l’habitation pour chasser les agents infectieux et humidifier l’atmosphère à l’aide d’un humidificateur ou d’un bol d’eau placé sur un radiateur non électrique, tout en évitant les endroits surchauffés et les changements brusques de température.L’hydratation du mucus doit être assurée par l’apport d’eau, d’où l’usage d’infusions à base d’eucalyptus ou de thym. Ne pas faire l’impasse sur le mouchage et les lavages de nez réguliers, l’écoulement nasal postérieur étant l’une des plus fréquentes causes de toux. Si la toux est plutôt nocturne et très gênante, la surélévation de la tête du lit améliore le confort du patient.Enfin, les particules infectieuses étant expectorées au cours de la toux, le port de masque limite leur propagation au sein de l’entourage.

Toux chronique de l'enfant

En cas de toux chronique chez l’enfant, il faut évoquer en priorité le rôle d'un tabagisme passif et /ou d'une pollution domestique (moisissures) ou extérieure.

Une toux grasse peut être liée à une suppuration bronchique due à une bronchite bactérienne persistante, à l'existence de bronchectasies, à l'inhalation d'un corps étranger ou à une malformation congénitale. La persistance d’une toux sèche peut être due à un asthme allergique, à une origine ORL rhino-sinusienne avec un jetage postérieur d'origine allergique ou infectieuse ou bien, comme pour les adultes, à un reflux gastro-oesophagien. Chez le nourrisson de moins de 2 ans, les sirops antitussifs ou les fluidifiants sont contre-indiqués. Le traitement consiste aux lavages de nez réguliers, à l’hydratation régulière et à l’éviction de l’exposition à la fumée de tabac.

Les produits du conseil

Quelle forme choisir ?

Si le sirop est traditionnellement plébiscitée pour soulager immédiatement la toux, deux inconvénients sont cependant à soulever : la composition en excipients tels que l’alcool, le saccharose, le glycérol ou les édulcorants à l’origine d’effets secondaires et de contre-indication (grossesse, allaitement, diabète…). Les formes unitaires améliorent la prise en ambulatoire et favorise le respect des doses. La forme suppositoire est une alternative intéressante, notamment chez les jeunes enfants. Les formes unitaires comme les bonbons et pastilles, notamment sans sucre et à base de miel, sont utiles pour apaiser la toux sèche.

Les antitussifs

Il existe 4 grands groupes d’antitussifs dont le but est de calmer la toux sèche et irritative.

Les antitussifs opiacés d’action centrale regroupent la codéine, la pholcodine, l’éthylmorphine, la noscapine et le dextrométorphane. Ils sont inscrits sur la liste I en raison du risque de pharmacodépendance avec la codéine, de leurs effets indésirables (constipation, nausées, dépression respiratoire) et des contre-indications (insuffisance respiratoire, asthme, grossesse et allaitement). Depuis septembre 2022, les sirops antitussifs à base de pholcodine ne sont plus autorisés en raison du risque d’allergie croisée, grave, avec les curares et la pholcodine.

Les antitussifs d’action centrale non opiacés comprennent la pentoxyvérine et l’oxéladine, efficaces sur les toux quinteuses. La pentoxyvérine (Clarix toux sèche) est connue pour ses effets indésirables atropiniques et le risque de somnolence. Elle est autorisée à partir de l’âge de 6 ans alors que l’oxeladine (Paxeladine) peut être donnée à partir de 30 mois.

Les antitussifs antihistaminiques sont indiqués pour les toux sèches à prédominance nocturne. Ils agissent comme antagonistes compétitifs au niveau des récepteurs histaminiques H1 situés sur les fibres lisses des bronches, permettant ainsi de calmer l’irritation. Il convient de prévenir les patients de l’effet sédatif des molécules, déconseillant la conduite et l’utilisation de machines dangereuses après la prise du médicament, ainsi que toute prise d’alcool. Des effets atropiniques peuvent également survenir.

Enfin, les antitussifs d’action périphérique sont le glycérol et l’hélicidine, agissant en tapissant et humidifiant la gorge irritée. A noter, le mécanisme de mode d’action originale du sirop Hélicidine sans sucre (hélicidine à 10 %) dont le principa actif, la mucoglycoprotéine extraite d’Helex pomatio (escargot de Bourgogne), a un effet bronchorelaxant lié à la libération d’une prostaglandine. Ce mécanisme d’action justifie l’efficacité d’Helicidine dans le traitement des toux d’irritation. Le sirop Petit Drill peut être administré à partir de 6 mois (5 ml trois à quatre fois par jour) alors que le sirop Helicidine n’est autorisé qu’à partir de 2 ans. Ces deux sirops sont contre-indiqués en cas de toux grasse et chez l’asthmatique.

Les sirops pour toux grasse

Les fluidifiants (mucolytiques et mucorégulateurs) favorisent l’expectoration en agissant sur la phase gel du mucus bronchique, par rupture des ponts disulfures des mucines. On retrouve la N-acétylcystéine et la diacétylcystéine, administrables dès l’âge de 2 ans, ainsi que la carbocistéine. L’ambroxol est quant à lui conseillé pour fluidifier les écus épais et visqueux chez l’adulte, notamment chez le fumeur.

Se distinguent des fluidifiants les expectorants qui favorisent l’évacuation du mucus en augmentant son hydratation et son volume, en particulier chez les malades encombrés. Peuvent être cités : le gaïacol (Bronchodermine), la guaïfénésine (Vicks expectorant) et lesulfogaïacol (Passedyl), ce dernier étant administrable chez le nourrisson. Enfin, contre-indiquée chez les personnes épileptiques en raison de son action sur le seul épileptogène, la terpineest indiquée en cas de toux grasse tenace chez l’adulte. Elle est retrouvée, seule, dans la spécialité Terpine Gonnon, et en association avec les huiles essentielles d’eucalyptus, de niaouli et de pin dans Euphonyll Expectorant.

En cas de toux mixte, les sirops formulés à partir d’extraits de plantes sont préconisés. Le sirop Phytoxyl, associant thym, plantain et mauve (à partir de 2 ans), le sirop Prospan à base de lierre grimpant, le sirop aux essences Naturactive composé de miels, d’extraits de Grindélia, de plantain et hélichryse, et d’huiles essentielles de citronnier, oranger et myrte ou encore la spécialité Phytotux contenant l’extrait de baume de tolu, aux propriétés fluidifiantes, et l’extrait d’ipécacuanha (à partir de l’âge de 6 ans). En nouveautés, le sirop Grintuss comprenant le complexe végétal Poliresin, composé de polysaccharides, de résines et de flavonoïdes issus de plantain, de grindélia et d’hélichryse, associé à des huiles essentielles et du miel.

La phytothérapie

Les infusions sont utilisées pour calmer la toux en favorisant l’hydratation.Pour les toux sèches, les plantes à mucilages grâce à leur action émolliente,sont à favoriser : le bouillon-blanc (Verbascum thapsus), le coquelicot (Papaver rhoeas), la guimauve (Althaea officinalis), la mauve (Malva sylvestris), le pied-de-chat (Antennaria doica), le tussilage (Tussilago farfara) et la violette (Viola odorata). Les alcaloïdes du coquelicot, légèrement sédatifs (dont la rhoeadine) sont indiqués en cas de toux sèche nocturne. Ce mélange de 7 espèces pectorales à parts égales est inscrit au Formulaire Nationale. Le thym (Thymus vulgaris), le serpolet (Thymus serpyllum) et l’origan (Origanum vulgare) sont également utilisés grâce à leurs propriétés antiseptiques et antispasmodiques, apaisant ainsi les toux quinteuses.

Pour les toux grasses, sont conseillés le marrube blanc (Marrubium vulgare), le bourgeon de pin (Pinus sylverstris) et l’eucalyptus (Eucalyptus globulus). Les saponosides triterpéniques issus des racines de réglisse (Glycyrrhyza glabra) ont des propriétés antispasmodiques, antivirales, expectorantes et mucolytiques, agissant ainsi sur les toux productives. En raison de la présence de glycyrrhizine hypokaliémiante, la réglisse est contre-indiquée en cas d’hypertension ou d’hypokaliémie.

L’aromathérapie

Les huiles essentielles utilisées dans le traitement de la toux sont retrouvées dans des complexes déclinés en spray, inhalateur, capsules… Elles peuvent être également utilisées en mélange à avaler (sur comprimé neutre, dans une infusion ou dans une cuillère de miel), à diffuser ou à appliquer sur le thorax ou le dos.

Elles restent contre-indiquées chez la femme enceinte ou allaitante, chez l’enfant de moins de 7 ans et en cas d’épilepsie, d’asthme, de cancer hormono-dépendant et d’insuffisance rénale.

Les huiles essentielles antitussives sont :

- l’HE de cyprès (Cupressus sempervirens) : 2 gouttes sur un comprimé neutre 3 fois par jour ou en diffusion 10 minutes par heure

- l’HE de sapin de Sibérie (Abies sibirica) : 1 goutte sur un comprimé neutre 3 fois par jour

L’HE de cyprès peut être associée à des HE anti-infectieuses (thym, Tea-tree, estragon…) dans une huile végétale pour une application sur le thorax, plusieurs fois par jour, soulageant ainsi les toux quinteuses et spasmodiques.

En cas de toux grasse sont conseillées les HE d’eucalyptus radié (Eucalyptus radiata), de romarin 1,8 cinéole (Rosmarinus officinalis), de myrte rouge (Myrtus communis), de niaouli (Melaleuca quinquenervia), d’inule odorante (Inula graveolens) et de lavande aspic (Lavandula spica DC).

En massage sur le thorax et le dos, le mélange des HE d’inule odorante, de myrte rouge et d’eucalyptus dans une huile végétale sera conseillé en cas de toux très productive.

L’homéopathie

Pour la toux sèche, sont indiquées les souches de  :

- Bryonia alba 5 CH : lorsque la toux est douloureuse, déclenchée par la parole et associée à une sécheresse nasale

- Drosera 5 CH : si la toux se présente sous forme de quintes suffocantes et est aggravée la nuit

- Chamomilla 7 CH : pour une toux irritante

En cas de toux grasse sont proposés les souches de:

- Ipeca 5 CH : lors de sécrétions abondantes et de quintes de toux spasmodiques provoquant des nausées et des vomissements ;

- Antimonium tartaricum 9 CH : pour une toux très productive avec respiration bruyante et sifflante ;

- Mercurius solubilis 5 CH : si les expectorations sont purulentes et si la toux est aggravée en position couchée ;

- Senega 5 CH : indiquée particulièrement chez le sujet âgé, ancien fumeur, atteint de toux grasse et soulagé en crachant.

Sans oublier les spécialités homéopathiques associant différentes souches dont la spécialité Stodal, disponible en sirop (avec alcool) et en granules, Stodaline, correspondant à un sirop sans alcool ni excipient sucré,indiqué dès l’âge de 2 ans ou Drosetux pour la toux sèche (à partir de 2 ans).

Le saviez-vous?

1) Les sirops à base de pholcodine sont :

a) toujours autorisés ;

b) interdits de commercialisation ;

c) à l’origine de réaction allergique avec les curares ;

d) des sirops fluidifiants.

2) Quels médicaments peuvent provoquer une toux sèche et chronique ?

a) les sartans;

b) Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion;

c) Les sulfamides hypoglycémiants;

d) Les bêta-bloquants.

3- Quelles plantes sont utilisées pour calmer la toux sèche?

a) le coquelicot;

b) l’eucalyptus;

c) la mauve;

d) la réglisse.

4- Les mesures hygiéno-diététiques pour calmer la toux comprennent :

a) l’hydratation régulière;

b) l’éviction du tabac;

c) la prise de vitamine D;

d) la diffusion d’huiles essentielles.

Réponses : 1- b) et c) ; 2- b) ; 3- a) et c) ; 4- a), b) et d).


Source : Le Quotidien du Pharmacien