Selon les enquêtes menées par la FIP, peu de pays ont réussi jusqu’à présent à faire des services et des honoraires de délivrance le principal mode de rémunération des pharmaciens : c’est le cas en Angleterre, en Allemagne, en Belgique et au Danemark, ou, ailleurs dans le monde, au Japon, en Nouvelle Zélande et en Mongolie.
Pour négocier leurs honoraires avec leur système de santé, le NHS, les pharmaciens anglais ont dû démontrer que leurs services, en dehors des délivrances proprement dites, permettent d’économiser plus de trois milliards d’euros par an en dépenses et prestations de santé « évitables », par exemple par des dépistages, des vaccinations ou des actes de prévention.
L'exemple portugais
S’inspirant de ce modèle, l’association nationale des pharmacies portugaises (ANF) a évalué précisément le bénéfice des nouvelles missions pour le système national de santé du pays (SNS) : les 2 900 officines portugaises lui font économiser 880 millions d’euros par an, car chaque mission du pharmacien peut être chiffrée. « Quand une pharmacie échange une seringue, le SNS économise 6,02 euros en soins évités et donc non dépensés », explique Sonia Quieros au nom de l’ANF.
Tous ces éléments entrent dans les négociations tarifaires entre la profession et le SNS, mais aussi entre les officines et les assureurs privés : ces derniers chargent en effet les pharmaciens de certains contrôles et examens, y compris des check-up et une participation au dépistage des cancers colorectaux, et les rémunèrent directement. De même, des villes ou des régions peuvent passer des accords avec les pharmaciens pour des campagnes locales de vaccination anti grippale, des tests Covid ou des conditionnements individuels destinés à certains patients. Pour l’ANF, il est important d’avoir, à côté du système de santé public, d’autres sources de financement.
L'« amazonization » n'est pas une fatalité
Pour Lars-Ake Söderlund, pharmacien suédois président de la section officinale de la FIP, l’« amazonisation » de la pharmacie n’est pas une fatalité, et les pharmaciens peuvent au contraire réorganiser leurs offres et leurs prestations autour des soins de santé individualisés, le « self care » : « Nous avons beaucoup plus à offrir que la rapidité, la simplicité et le et prix, qui sont les seuls atouts des pharmacies en ligne, mais cela passe impérativement par une refonte de nos modes de rémunération », explique-t-il.
À l’autre bout de la planète, les 573 000 pharmacies chinoises, dont plus de la moitié font partie de chaînes, proposent elles aussi de nouvelles prestations de santé, mais les officines classiques ont fort à faire avec l’explosion des pharmacies en ligne, ainsi qu’avec les nouvelles formes de distribution associant pharmacies physiques et virtuelles. Inexistantes il y a dix ans, les ventes de médicaments en ligne représentent actuellement 24,7 % de toutes les ventes, parallèlement à une progression spectaculaire du marché pharmaceutique. Pharmacienne à l’hôpital universitaire de Xi’an, Yue Guan a présenté les « pharmacies intelligentes » dans lesquelles le patient est identifié par un logiciel de reconnaissance faciale qui consulte alors son dossier puis lui propose, en fonction de son état de santé et de sa demande, une « téléconsultation » robotisée. Ensuite, les médicaments « prescrits » par le logiciel sont délivrés au patient par un automate situé dans la rue. Pas sûr, toutefois, que ce modèle ravisse les pharmaciens de ce côté-ci de la Grande Muraille…