Tablettes, smartphones, télévision, consoles...

Quand les écrans entravent les interactions parents-enfants

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Publié le 20/10/2020
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Les écrans ne peuvent remplacer l’entourage de l’enfant d’un point de vue émotionnel, affectif et cognitif. Une table ronde organisée par l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) et la Fondation pour l’Enfance a réaffirmé l’importance des interactions dans le développement du jeune enfant.
Un usage à ne pas bannir mais à limiter

Un usage à ne pas bannir mais à limiter
Crédit photo : Phanie

Dès la naissance, le nouveau-né est équipé pour interagir avec son entourage. Au fur et à mesure de son développement, il utilise son corps, ses yeux, ses mains pour communiquer avec les partenaires de son quotidien. « Pour progresser, il a besoin de partager ses émotions, son ressenti, ses attentes », souligne Emmanuel Devouche, maître de conférences à l’Université de Paris, laboratoire Psychopathologie et processus de santé.

Seul l’être humain est capable de telles interactions. Or, les écrans ont envahi l’univers du tout-petit, dès son plus jeune âge. D’après une étude publiée en 2016 (1), la moitié des enfants de moins de trois ans sont exposés à la télévision ; un tiers regardent des programmes non adaptés à leur âge. Dans un foyer sur cinq, la télévision est allumée en permanence.

 

La règle « 3-6-9-12 »

Pour aider les parents à mieux encadrer le recours aux écrans, le psychiatre Serge Tisseron a proposé en 2008, la règle « 3-6-9-12 ». Selon cette dernière, les écrans ne présentent pas d’intérêt pour l’enfant de moins de trois ans et les parents ne doivent pas le laisser seul devant ceux-ci. Avant six ans, les consoles de jeux doivent être bannies. Quant au recours à Internet, il doit être interdit avant neuf ans et accompagné jusqu’à l’âge du collège. « Dès 2011, l’AFPA a largement relayé la règle " 3-6-9-12 " auprès du grand public. C’est aussi un outil précieux lors des consultations », affirme le Dr François-Marie Caron, pédiatre et ancien président de l’AFPA. De son côté, Santé public France délivre également des informations sur l’usage et les dangers des écrans aux professionnels de santé et au grand public.

Prévenir les effets délétères

Plus récemment, d’autres recommandations ont été émises. Celles du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) parues dans un rapport (2) font consensus. Il préconise de proscrire les écrans aux enfants de moins de trois ans lorsqu’ils ne sont pas accompagnés par un adulte. Quant aux images en 3D, elles doivent être interdites avant cinq ans. Les parents doivent, par ailleurs, être sensibilisés au type d’écran utilisé, à leurs contenus et aux catégories d’âge. Les enfants ne doivent pas disposer d’écrans dans leur chambre et les parents ne doivent pas les laisser regarder la télévision durant l’heure qui précéde l’endormissement. Car les effets délétères des écrans sur la qualité du sommeil sont bien connus. Leur utilisation prolongée favorise, en outre, la sédentarité, le grignotage et l’augmentation des prises alimentaires. Des risques psychiques et comportementaux sont également liés aux contenus eux-mêmes : sexuels, pornographiques, violents…

Consacrer du temps à l'enfant

Face à ce constat, les parents ne doivent pas bannir mais limiter l’usage des écrans pour permettre aux enfants de se consacrer à d’autres activités (culturelles, sportives…). « En consultation, certains parents me disent que leur enfant s’isole, qu’il a toujours besoin de regarder la télé ou la tablette. Je leur demande alors : qu’est-ce que vous lui donnez en échange ? Lui consacrez-vous du temps ? Savez-vous si votre enfant va bien ? », confie la Dr Catherine Salinier, pédiatre, responsable des groupes « Pédopsychiatrie » et « Adolescent » de l’AFPA.

Nombreux sont les parents qui s’occupent de leur(s) enf ant(s) tout en regardant leur smartphone. « Or, ce sont eux qui doivent montrer l’exemple. En consultation, nous devons leur expliquer que les interactions parents-enfants sont indispensables au bon développement cérébral de ces derniers. Toutefois, l’utilisation des écrans, bien encadrée par l’adulte, peut présenter de multiples intérêts : pédagogiques, thérapeutiques, ludiques… Les écrans ne doivent donc pas être diabolisés », conclut le Dr François-Marie Caron.

 

* Children and screens, a french survey, AFPA GPG 2016.

** Effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans, rapport de l'HCSP publié le 12/12/2019.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du Pharmacien