Les chiffres laissent peu de place au doute. Depuis le début de la pandémie, on constate que les patients gravement atteints par le Covid et admis en réanimation sont à 75 % des hommes.
Les femmes sont moins atteintes que les hommes. Mais si les comorbidités associées - hypertension, obésité, antécédents cardiaques - jouent sans doute un rôle dans cet état de fait, ce n'est peut-être pas la seule explication. « Cette différence homme/femme a été constatée partout, mais peu de travaux s’intéressent au pourquoi, c’est ce que nous essayons de faire avec l’INSERM, en nous basant sur nos travaux de recherche antérieurs sur les particularités immunitaires hors Covid », explique le Pr Pierre Delobel, infectiologue au CHU de Toulouse.
L’hypothèse des chercheurs toulousains est que la différence principale entre les hommes et les femmes, se joue au niveau de l’immunité innée, ce qui a déjà été constaté pour des virus à ARN. L'avantage féminin s'appuierait aussi des facteurs génétiques en lien avec le chromosome X.
À l’époque du SARS-CoV-1, une étude américaine avait révélé une plus grande susceptibilité à l'infection virale chez les mâles. « Lorsque des souris mâles sont infectées, elles meurent d’une hyper-inflammation du poumon, alors que les femelles éliminent le virus et survivent. En revanche, l’effet protecteur est perdu chez les femelles lorsqu’on leur enlève les ovaires. Traitées avec un inhibiteur d’œstrogène, ces dernières développent une hyperactivité inflammatoire et 85 % d’entre elles meurent. L’étude suggère donc que l’effet protecteur pourrait être en partie dû aux œstrogènes », détaille Jean-Charles Guéry directeur de recherche à l’INSERM, spécialiste des différences liées au sexe dans l’immunité.
Le gène TLR7 capteur des virus à ARN
Chez les femmes, en présence de virus à ARN dans l’organisme, la présence de cette hormone sexuelle féminine semble renforcer l’action des cellules dendritiques plasmacytoïdes qui agissent comme de véritables « usines » à fabriquer de l’interféron de type 1. L’activation de ces cellules permet d’initier une réponse immunitaire et de réduire la charge virale. « Un constat qui n’est pas spécifique au Covid », tempère Pierre Delobel.
L’autre piste formulée à propos des différences immunitaires féminines est génétique, liée aux chromosomes X. « Chez les femmes, le gène TLR7, présent dans les 15 à 20 % de gènes du chromosome X qui échappent à l’inactivation, est un capteur du virus à ARN et joue un rôle contre la charge virale. Si rien n’a encore été démontré pour le coronavirus, on a des molécules qui stimulent le TLR7 en présence du VIH », décrit Pierre Delobel.