Crise pandémique en Europe

Pourquoi l'Allemagne a mieux résisté

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Publié le 21/04/2020

Avec 133 830 cas au 17 avril, dont environ 81 000 « guéris » et 3 868 décès, l’Allemagne enregistre des taux de mortalité nettement plus bas que la plupart de ses voisins européens. Ce « succès » tient sans doute à de nombreux aspects, en premier lieu une réaction très précoce et des services de santé performants.

L’Allemagne dispose de 40 000 lits de soins intensifs, dont la moitié équipés de respirateurs

L’Allemagne dispose de 40 000 lits de soins intensifs, dont la moitié équipés de respirateurs
Crédit photo : afp

L’Allemagne est un État fédéral dans lequel la protection de la santé est largement assurée par les 16 régions (Länder) qui la composent, même si les structures et les services de santé sont quasiment identiques partout.

Si le ministère fédéral de la Santé « suggère » des mesures, elles peuvent varier d’un Land à l’autre. En matière de confinement par exemple, seules la Bavière et la Sarre ont mis en place un confinement à domicile comparable aux modèles italien ou français. Tous les Länder ont par contre fermé les établissements d’enseignement et la plupart des commerces, et interdisent les rassemblements. Le Schleswig-Holstein, tout au nord, a rétabli sa « frontière » avec le reste du pays : les Allemands qui n’y résident pas en permanence ne peuvent plus y entrer sans raison valable. La Rhénanie du Nord-Westphalie, Land le plus peuplé, n’impose la quarantaine à domicile qu’aux personnes à risque ou testées positives, ou récemment rentrées de voyage. Ce sont les services de santé locaux qui ordonnent et contrôlent son respect.

Plus de lits et de respirateurs qu'en France

Essentiellement gérés par les Länder, les hôpitaux n’ont pas été saturés, d’une part en raison de leurs disponibilités en lits, et d’autre part en raison du nombre moins élevé de patients gravement atteints. Avant la crise, les hôpitaux, publics et privés, disposaient de 28 000 lits de soins intensifs, dont 20 000 équipés de respirateurs, occupés en moyenne à 70 %. En déprogrammant d’autres interventions, le nombre de places a atteint les 40 000. C’est d’ailleurs pour cela que l’Allemagne a pu accueillir des patients français, issus notamment du Grand Est.

En revanche, comme la France, le pays a longtemps manqué de masques, désormais produits par des usines d’automobiles reconverties. Mais l’approvisionnement, y compris pour les professionnels, reste encore délicat, alors même que le pays réfléchit à une généralisation du port du masque au début du déconfinement.

Les personnes âgées rapidement testées

On sait que le principal cluster pour l’Allemagne, a été un bar de nuit d’Ischgl, dans le Tyrol autrichien, resté ouvert jusqu’au 10 mars, et très prisé des skieurs allemands qui ont ensuite ramené l’infection chez eux. Néanmoins, l’Allemagne s’est préparée très tôt à l’épidémie, ce qui expliquerait le faible taux de malades parmi les personnes âgées, très rapidement testées. Selon le virologue berlinois Christian Drosten, qui a mis au point et diffusé dès la fin janvier un premier test auprès des populations les plus à risque, cette précocité a largement contribué à stopper le virus. Actuellement, 70 % des malades ont entre 20 et 50 ans, et leur âge moyen est de 45 ans, contre 61 en Italie et 51 en Chine.

Si la maladie a été moins brutale qu’ailleurs, les débats autour du bien-fondé du confinement ont été et restent particulièrement vifs. Ils portent aussi bien sur ses conséquences économiques et sociales que sur les inquiétantes restrictions des libertés publiques qu’il a entraînées, le pays étant particulièrement sensible sur ce point. En outre, comme ailleurs, le coronavirus suscite une réflexion approfondie sur l’avenir des services et des politiques de santé.

Les pharmaciens s'en sortent bien

Dans ce cadre, les pharmaciens s’en sortent plutôt bien, car ils ont su se rendre indispensables bien au-delà de la seule distribution des médicaments : cet engagement ternit donc l’image des pharmacies virtuelles, incapables de rivaliser avec « l’officine de quartier » en matière de conseil, de services et tout simplement de présence humaine.

Enfin, la crise devrait faire avancer deux revendications formulées depuis quelques années déjà par la profession, en premier lieu la fin de l’obligation de délivrer des génériques choisis par les caisses sur appel d’offres en fonction des rabais consentis par leurs fabricants à ces dernières. Ces rabais favorisent en effet, selon les pharmaciens, les importations à bas prix, parfois douteuses, et les ruptures de stock. Ensuite, le Covid-19 repose la question de l’« indépendance » pharmaceutique par rapport aux matières premières produites en Asie. Ce point, soulevé à l’origine par l’Allemagne, a été repris par d’autres pays, dont la France. Il pourrait bientôt trouver des réponses concrètes car l’Allemagne, qui prendra la présidence de l’Union européenne le 1er juillet, a choisi de le placer au sommet de son agenda politique.

Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du Pharmacien