Le Quotidien du pharmacien.- Pour quelle raison votre syndicat envisage-t-il de déposer un recours devant le Conseil d'État ?
René Maarek. - D'ici à quelques années, la France risque de devenir un désert pharmaceutique. L'officine est déjà confrontée à des problèmes de recrutement et il manquait entre 25 et 30 % d'étudiants en 2e année à la rentrée, soit autant de diplômés en moins dans 5 ans. L'objectif de ce recours serait, premièrement, de rappeler que le système actuel ne va pas. En tant que pharmaciens, nous ne pouvons pas accepter cette situation et rester passifs. Aujourd'hui, si l'on veut être entendu, il faut taper fort, c'est pour cela que nous demanderons l'abrogation de la réforme de la PACES. Nous déciderons dans les prochaines semaines si nous déposons un recours seulement au nom de l'UPRP ou si nous nous associons au collectif national PASS/L.AS, qui a déjà entrepris cette démarche. La réforme a été décidée avec de bonnes intentions mais, en pratique, cela ne fonctionne pas, elle génère un grand sentiment d'injustice chez les étudiants. Il y a le feu et nous devons mener des actions concrètes si nous voulons l'éteindre. Des étudiants partent à l'étranger pour obtenir leur diplôme de pharmacie. Pourquoi est-ce si compliqué en France et pas à l'étranger ? Le système est en train de sacrifier des générations d'étudiants, il détruit des vocations.
La voix des pharmaciens est-elle suffisamment entendue sur ce sujet ?
Absolument pas, l'expertise des officinaux est totalement absente au niveau de l'université. J'estime que ce n'est pas à l'université de décider du nombre de diplômés en pharmacie qui doivent être formés chaque année, elle n'a pas connaissance des besoins du terrain. Elle n'a pas même conscience de ce qu'est le métier d'officinal aujourd'hui. Lorsque je donne des cours à la fac, deux à trois fois par an, et que j'explique ce qu'est le métier de pharmacien d'officine, les étudiants sont ébahis, Ils ne savent pas tout ce que cette profession offre comme possibilité. Il faut donc rendre obligatoire la présence d'officinaux dans les processus de décision, et ce dans chaque région, dans chaque université. Il faut que nous puissions poser les questions avant pour ne plus subir la situation. Sinon, à terme, le maillage pharmaceutique sera brisé.
Qu'avez-vous ressenti en apprenant que 1 100 places en 2e année de pharmacie étaient vacantes à la rentrée ?
De la colère. Lorsque j'étais étudiant, la formation française était synonyme d'excellence. Aujourd'hui, si l'on évite l'effondrement du système, ce sera en grande partie grâce aux étudiants qui sont partis se former à l'étranger. Aujourd’hui, certains n'essaient même plus de commencer leurs études en France, y compris des fils et filles de pharmaciens. En laissant autant de jeunes partir, on perd le contrôle sur la qualité de la formation, alors pourquoi ne pas essayer de faciliter l'accès aux études dans notre pays ? Si les pharmaciens français veulent que le maillage soit conservé, il faut se battre maintenant.