TROD angine

Pour qui, quand, comment ?

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Publié le 17/12/2019
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Les 70es Journées pharmaceutiques internationales de Paris (JPIP) ont mis en lumière les dernières missions confiées au pharmacien d’officine. Et ont fait la part belle à la réalisation du TROD angine à l’officine.
Trod

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Crédit photo : S. Toubon

Autorisés par l’arrêté du 1er août 2016 à pratiquer trois types de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), les pharmaciens ne se sont pas encore véritablement emparés de cette nouvelle mission « Le TROD glycémie n’est possible qu’au cours d’une campagne de prévention du diabète », rappelle Liliane Grangeot-Keros, immunologiste et secrétaire perpétuelle de l’Académie nationale de pharmacie. Reste le TROD grippe, peu utilisé, et le TROD angine, appelé à se développer. « Dans tous les cas, la vente ne doit pas être systématique, le pharmacien doit orienter le patient, l’informer et le conseiller », rappelle l’immunologiste.

Des propos agrémentés de cas pratiques par Isabelle Pendola Luchel, maître de conférences associée au département de médecine générale de l’université Paris-Saclay et médecin généraliste à Paris. Ainsi, avant de se lancer dans les TROD, suivre une formation est vivement recommandée. « Il s’agit d’un TROD clinique dans le sens où il faut regarder la gorge au préalable et s’assurer que la réalisation du TROD est indiquée. Il faut donc savoir non seulement à quoi ressemble une gorge saine, mais aussi à quoi une angine ne peut pas ressembler. Il faut aussi avoir quelques notions d’épidémiologies : il y a 8 à 9 millions de cas d’angines par an en France, elles sont principalement virales chez l’adulte. On trouve davantage d’angines bactériennes chez les 5 à 15 ans, mais elles sont très rares chez les moins de 3 ans et les plus de 45 ans, donc on ne fera pas de TROD chez ces populations. »

Un geste intrusif

Photos à l’appui, Isabelle Pendola Luchel énumère les cas cliniques où un TROD angine est inutile et où le patient doit être orienté vers un médecin. Si le patient est hyperalgique, si l’atteinte ne touche qu’une seule amygdale, si le patient fait des angines à répétition, s’il a des pathologies associées, s’il est sous antibiothérapie ou prend un traitement de fond par immunosuppresseur, ou encore s’il s’agit d’une femme enceinte, le TROD angine ne doit pas être réalisé et le patient doit consulter. Plus largement, la généraliste préconise une orientation vers le médecin en cas de fièvre mal tolérée, d’altération de l’état général, un aspect inhabituel de la gorge, ainsi que pour les patients psychologiquement fragiles. « Le TROD angine demande la réalisation d’un geste qui peut paraître intrusif pour certains patients. Au moment où vous allez devoir les examiner, les toucher, leur faire ouvrir la bouche, mettre un abaisse-langue, qui plus est aller chatouiller leurs amygdales, ça risque de les surprendre », explique-t-elle.

Rôle pivot

Quant à la réalisation, elle doit suivre plusieurs étapes. À commencer par expliquer de quoi il retourne et demander s’il est possible d’examiner la gorge du patient, puis faire un prélèvement qu’il faudra décrire avant de le réaliser. « Il faut du temps, un espace de confidentialité, se laver les mains au préalable (…) Si le TROD est négatif, il faudra donner des consignes de surveillance, rassurer le patient, ne pas lui délivrer d’AINS, au besoin du paracétamol, et l’orienter vers un médecin si vous pensez qu’il peut avoir une autre pathologie. Si le TROD est positif, vous l’orientez vers le médecin. Si c’est la fin de la journée et que le patient ne peut consulter avant le lendemain, il est inutile de l’adresser aux urgences, vous le rassurez, vous expliquez, vous pouvez délivrer du paracétamol en attendant. »

Insistant sur le rôle pivot du pharmacien dans la coordination des soins et sur le fait que « le pharmacien connaît très bien ses patients, souvent mieux que le médecin parce que c’est au pharmacien qu’ils se confient », Isabelle Pendola Luchel note que « TROD ou pas, le plus important pour le patient est d’avoir un accueil bienveillant, un accompagnement qui prenne en compte sa singularité » et une orientation vers le médecin quand c’est nécessaire. « Des patients viennent nous voir parce qu’ils y ont été incités par leur pharmacien, sans quoi ils ne viendraient pas en consultation. » C’est pourquoi la généraliste plébiscite l’interprofessionnalité qui se met en place avec les CPTS et les pôles de santé. « On va mieux se connaître, ce sera un plus pour les patients, ce sera plus facile pour vous de décrocher le téléphone et pour nous de vous les adresser pour faire les TROD. »

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3566