Entre Lot et Tarn, pile-poil au creux de la faille géologique qui sépare Causse et Ségala, Villefranche-de-Rouergue se dévoile. Épargnée par les guerres, la plus importante bastide de l’Aveyron a su conserver un riche patrimoine. Incontournable, la chapelle des Pénitents Noirs, confrérie soucieuse d’exprimer sa foi par l’aide anonyme, est un joyau de l’art baroque. Mais aussi la Chartreuse Saint-Sauveur, chef-d’œuvre d’art gothique flamboyant et plus grand cloître chartreux d’Europe. Et c’est parti pour 163 marches ! Pas une de moins pour atteindre le clocher de la collégiale Notre-Dame. Là, à ciel ouvert, lecture de paysage. Un horizon contrasté, entre plateau calcaire des Causses et monts ponctués des vallées du Ségala, région de seigle. Mieux qu’un cours magistral, la vue révèle le secret des bastides. Résultat d’une politique d’aménagement du territoire, ces villes nouvelles du XIIIe siècle s’organisent autour d’une grand’place, cœur de leur intense activité commerçante. Chacune suit un plan d’urbanisme rigoureux, avec des rues perpendiculaires parfaitement tracées. En bonne bastide royale, Villefranche-de-Rouergue, fondée en 1252 pour Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse et frère du roi Saint Louis, n'échappe pas à la règle. Vu du haut du clocher de la collégiale (58 m), le maillage est époustouflant ! Toutes d’écailles orangées, les toitures se serrent les unes aux autres. Derniers témoins de l’âge d’or des tisserands, orfèvres, chaudronniers…, les arcades des couverts bordent la place centrale. Elles soutiennent de hautes demeures à pan de bois. Mais entre passé et présent, il est l’heure. Celle des 48 cloches à 4 octaves du carillon de Notre-Dame. À l’envi, il tintinnabule bel canto occitan, airs de Nougaro ou de Brassens... En contrebas, c’est l’effervescence ! Comme chaque jeudi et depuis huit siècles, le marché bat son plein. Sous les parasols, les éventaires de volailles, farçous, fouaces à la fleur d’oranger se mêlent aux étals jaspés de fruits et légumes.
Un peu plus loin, en suivant le cours de l’Aveyron, on rejoint le bourg castral de Najac. Arrimée à son éperon rocheux de schiste, la petite cité surplombe les gorges et s’étend entre chênes et châtaigniers. Magique ! Haut perché et site stratégique sans égal, l’ancien château fort a été réaménagé. Là encore, peu après la croisade contre les Albigeois, le comte de Toulouse, Alphonse de Poitiers, est à la manœuvre. Najac devient une puissante ville de pouvoir administratif et militaire. De chaque côté de son unique rue, le petit village ruban s’étire jusqu’à sa place centrale, ses arcades et ses couverts. Sans relâche, forteresse et donjon, aux archères les plus hautes du monde, veillent sur ce petit monde de toits de lauze. Sans surprise aucune, Najac compte parmi les Plus Beaux Villages de France.
Changement de décor aux portes du causse et sur la voie Conques-Toulouse des chemins de Compostelle. Édifiée en deux temps, Villeneuve d’Aveyron est la plus ancienne ville neuve du Rouergue. Charme et singularités ! La cité présente deux quartiers distincts. Le bourg d’origine, construit autour d’un monastère bénédictin, est une sauveté (zone de refuge), aux ruelles labyrinthiques du XIe siècle. Territoire placé sous l’autorité religieuse, qui interdisait le port des armes, il est délimité aujourd'hui encore par d’imposantes croix de pierre. Importante étape jacquaire, la sauveté disposait d’une maladrerie et d’un hôpital. L’église, bâtie selon les plans du Saint-Sépulcre de Jérusalem, abrite des fresques du XIVe ; elles illustrent la légende du pendu-dépendu chère aux Jacquets (les pèlerins de Saint-Jacques). Mais en 1231, le comte de Toulouse Raymond VII greffe à la sauveté un quartier neuf quadrillé, avec arcades, couverts et place centrale.
Le charme des villes médiévales du Rouergue est tel qu’il a fait déménager le très parisien Jean-Marie Périer. Le photographe des icones rock et pop des années Soixante a découvert l’Aveyron grâce à Jacques Dutronc. Et d’une bastide à l’autre, il a posé quelques valises et près de 200 clichés de stars mythiques à Villeneuve d’Aveyron. Du Moyen Âge aux Sixties, le passé peut illuminer le présent.