Alors qu'une personne anorexique ou boulimique est obsédée par la quantité d'aliments ingérés, une personne orthorexique se focalise sur leur qualité, mais l'orthorexie n'est pas considérée comme un trouble du comportement alimentaire (TCA) dans le DSM-IV. Elle est parfois assimilée à un trouble obsessionnel compulsif (TOC) avec la quête incessante d'une santé parfaite. Elle répond à une inquiétude ambiante quant à une potentielle dangerosité des aliments.
Les mangeurs orthorexiques se ressemblent par leur volonté de comprendre, de connaître et de maîtriser tous les éléments (alimentation, boissons, hygiène, médicaments) susceptibles d'entrer en contact avec leurs corps. Ils sont angoissés à l'idée de manger de la nourriture estimée « malsaine », jusqu'à éliminer complètement certains produits alimentaires.
Pour ces patients, les produits sont classés en deux catégories : sains et nocifs. Et ils se construisent des rituels de sélection et de préparation de la meilleure alimentation possible sur lesquels ils règnent en maître absolu. Ils se fixent leurs propres règles diététiques et ils ont une peur exagérée des maladies en cas de leur non-respect ; ils préfèrent parfois cesser de s'alimenter et adoptent des comportements de type anorexie. Cet hypercontrôle impose de faire des choix nutritionnels plus ou moins justifiés qui ne prennent plus en compte le plaisir gustatif des aliments, ils sont une source de souffrance, de frustration et de culpabilité. Prévoir ce que l'on va manger se complique lorsque les repas sont pris à l'extérieur : l'écart est possible lorsqu'il est ponctuel mais lorsque les périodes sont plus longues ou les écarts renouvelés, les compensations se font avec le sport à outrance (bigorexie), la diète, le jeûne ou la purge (des mesures similaires à celles des autres TCA).
Trop d'informations contradictoires
Les personnes orthorexiques s'imposent des régimes stricts sans pour autant y être contraintes sur un plan médical. Atteindre des standards sociaux de beauté et/ou perdre du poids ne sont pas non plus leurs objectifs prioritaires. Pour ces mangeurs particuliers, la vie est mise en sécurité grâce à l'alimentation santé, mais il ne s'agit pas forcément de consommer biologique pour prétendre manger sain. Dans les cas les moins sévères, l'orthorexie ne provoque pas plus de risques pour la santé que ceux encourus par les personnes qui suivent un régime végétarien ou végétalien, mais poussée à l'extrême, elle peut provoquer des carences (vitamines, minéraux, et autres nutriments) et une malnutrition.
D'autre part, cette quête d'une alimentation parfaite impacte le quotidien des patients, qui finissent par s’isoler socialement pour ne pas avoir à déroger à leurs règles. Leurs logiques n'ont pas de données scientifiques fiables, elles se nourrissent des peurs et des préoccupations collectives. Dans les dernières années, l’importance de l’alimentation dans le maintien d’une santé optimale a pris des proportions démesurées. Les discours nutritionnels, parfois contradictoires, les multiplications d'ouvrages à destination d'un public profane, auxquels s'ajoute la profusion de blogs et de forums sur Internet et les réseaux sociaux créent une confusion de prescriptions et de mises en garde.
Retrouver le plaisir de manger
Les mangeurs orthorexiques peinent à se retrouver dans cette cacophonie diététique. Ils se mobilisent pour trouver des repères issus de leurs propres connaissances et expériences avec la nourriture, ou ils sont guidés par leurs croyances personnelles vers le régime alimentaire parfait. Il y a dans leur mode de fonctionnement quelque chose de rassurant, une forme de protection et de confort face à l'inquiétude et au risque d'un corps qui change, d'une maladie ou d'un désagrément.
Il est difficile d’évaluer la prévalence de ce comportement et de le diagnostiquer, toutefois, il est tout à fait possible de réapprendre à manger correctement, l'orthorexie n'est pas irréversible. Il n'existe pas de recommandations spécifiques, le traitement s’apparente à celui proposé pour soigner les autres TCA (anorexie, boulimie). Il consiste à mettre en place un suivi pluridisciplinaire incluant des formes variées d'interventions : évaluation médicale complète, soutien, suivi médical, psychothérapie et dans certains cas médication. De plus en plus de nutritionnistes et autres professionnels de la santé recentrent le message de la saine alimentation en intégrant le concept de plaisir. L’intérêt de la thérapie est de reprendre le contrôle de soi en laissant parler ses envies sans culpabiliser.