L’obésité sarcopénique est une entité clinique récente dans un contexte de vieillissement. Sa prévalence, estimée aujourd'hui entre 5 et 10 %, en fait une préoccupation sérieuse et croissante, des données épidémiologiques lui associant des comorbidités multiples et une mortalité prématurée.
On connaît bien les conséquences de l'obésité sur la santé, mais moins bien le fardeau représenté par la sarcopénie. Cette pathologie fait partie d'un vieillissement normal, mais elle peut conduire progressivement à la perte d'autonomie et à la dépendance. La coexistence de ces deux maladies, l’une du tissu adipeux et l’autre du tissu musculaire, est centrée sur le risque de cumuler les altérations métaboliques musculaires associées à l'âge et à l'obésité, mais sa définition n'est pas consensuelle et le diagnostic manque encore de critères précis, comme l'explique le Dr Clément Lahaye, gériatre au CHU de Clermont-Ferrand. « L’IMC (indice de masse corporelle) est reconnu aujourd’hui comme un critère insuffisant pour apprécier le degré de sévérité de l'obésité et définir l'obésité sarcopénique ; quant à la sarcopénie, elle a longtemps été définie en considérant uniquement la perte de la masse musculaire. Ce critère est en fait peu représentatif car on peut avoir une masse musculaire relativement réduite, mais des fonctions musculaires satisfaisantes et une bonne endurance, c’est notamment l'exemple des marathoniens. »
Aujourd'hui, le diagnostic de la sarcopénie (chez le sujet âgé) repose sur une faible masse musculaire, (indice de masse musculaire rapportée au poids ou à la taille) associée à une faible force musculaire (en particulier force de préhension) et/ou une réduction de la performance physique (notamment par une marche lente).
Une physiopathologie complexe
La perte de masse musculaire et l’augmentation de l’adiposité intramusculaire et viscérale apparaissent de façon concomitante au cours de l’avancée en âge, selon un cercle perdant/perdant. D'une part, la perte musculaire associée à la réduction de la mobilité favorise la diminution de la dépense énergétique et donc l’adiposité, d'autre part l'infiltration lipidique intramusculaire favorise à son tour l’apparition d’une insulinorésistance et d’une inflammation qui amplifient la perte musculaire en ralentissant le renouvellement des protéines musculaires, avec comme conséquences une réduction de la force et de la performance musculaire et une limitation de la mobilité.
Observée au départ chez des sujets âgés obèses, l'obésité sarcopénique a également été identifiée chez des sujets obèses plus jeunes, avec un impact sur leur santé largement sous estimé. Le défi des prochaines décennies sera de considérer ce nouveau phénotype corporel d’obésité dans les bilans de santé des individus et de mettre en place une prise en charge nutritionnelle adaptée, associée à une activité physique régulière.
Corriger les carences
« Il existe un manque d’apport en protéines, en particulier en acides aminés essentiels, mais également en fruits et légumes. Par conséquent, la personne obèse sarcopénique a des carences en vitamines A, D, E, C et B12, mais aussi en fibres alimentaires », observe Anaïs Sadoine, diététicienne spécialiste en nutrition du sujet âgé. La prise en charge nutritionnelle consiste à préserver la masse musculaire en ayant recours à des apports protidiques élevés et de qualité, en privilégiant ceux d'origine animale, et à corriger les carences.
Même si elle est obèse, la personne âgée peut être dénutrie car pour une même quantité d’énergie consommée elle absorbe moins bien qu’un jeune adulte. Globalement, il s’agit de limiter les apports lipidiques (35 % des AET*) tout en maintenant un apport énergétique glucidique suffisant (50 % des AET). « Les régimes restrictifs déséquilibrés sont à bannir, met en garde la diététicienne. L'important est de stabiliser le poids car, contrairement à ce que l’on pourrait penser, une perte de poids chez un sujet âgé obèse sarcopénique se traduit par une fonte musculaire sans réduire significativement la masse grasse ; elle aggrave le pronostic fonctionnel et la mortalité. L’objectif est d'optimiser l’oxydation des acides gras par les muscles pour réduire l’adiposité. »
Il reste à adapter au mode de vie des patients des programmes d'activité physique combinant des exercices spécifiques (résistance, souplesse, endurance, équilibre), de façon complémentaire à des séances sportives codifiées et supervisées par un kinésithérapeute qualifié. La prise en charge doit s’inscrire dans la durée et doit associer le médecin traitant, le médecin spécialiste en cas de pathologies associées, la diététicienne et le rééducateur physique.
D'après une visioconférence de presse du Cniel et l'Union européenne, dans le cadre des 40es Journées annuelles de la Société française de gériatrie et de gérontologie (JASFGG 2020).
* Apports énergétiques totaux (AET).