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L'Italie dans la tourmente

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Publié le 09/02/2021
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Ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi a été choisi par le président de la République italienne pour former un nouveau gouvernement. Il se heurte aux divisions politiques du pays, qui en déstabilisent la gouvernance.
Draghi et Mattarella

Draghi et Mattarella
Crédit photo : AFP

Mario Draghi est un poids-lourd de la politique italienne et c'est à dessein que le président Sergio Mattarella l'a désigné pour former un gouvernement. Les consultations vont prendre du temps et M. Draghi aura beaucoup de mal à succéder à Giuseppe Conte, qui a été contraint de démissionner à la suite de la défection des députés du parti centriste dirigé par Matteo Renzi, l'ancien maire de Florence. Le départ de M. Conte est d'autant plus regrettable que, venu du Mouvement cinque stelle (MCS, Mouvement cinq étoiles), il a réussi, il y a deux ans, à se débarrasser de la présence au gouvernement de Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue, parti d'extrême droite proche du Rassemblement national, qui a alors juré qu'il avait tout son temps et qu'il reviendrait au pouvoir.

En réalité, M. Salvini est durablement cantonné dans l'opposition et la critique de pure forme, tandis que sa popularité s'amenuise. Ce n'est pas M. Draghi qui le sollicitera car l'ancien président de la BCE est profondément pro-européen et a acquis sa notoriété en devançant Emmanuel Macron sur le thème du « quoi qu'il en coûte » quand il a littéralement abaissé les taux d'intérêt jusqu'à zéro et inondé les pays européens de liquidités. Comme, du point de vue de la Ligue, l'Europe est la cause de tous les maux de l'Italie, Draghi et Salvini ne risquent pas de s'entendre. Mais, avec une sagesse déjà éprouvée auparavant, le président Mattarella a souhaité la continuité de la gouvernance en essayant M. Draghi.

En revanche, cette enième crise politique était évitable, M. Renzi a avec M. Conte des affinités centristes qu'il a oubliées pour de pures raisons politiciennes. Giuseppe Conte aurait dû logiquement céder au contexte populiste au moment où il a pris la tête du gouvernement ; il a préféré s'allier avec la gauche modérée et le centre pour inscrire fermement l'Italie dans l'Union européenne et ne pas se précipiter dans des mésaventures. On pouvait craindre le pire avec lui, il s'est transformé en héros de la politique italienne et n'a pas mérité le sort que Matteo Renzi, seulement fort des trois personnes qui le représentaient au gouvernement, lui a réservé par pur caprice ou par jalousie, sa popularité étant sur une pente constamment descendante.

D'une certaine manière, c 'est la ligne Mattarella qui, de Conte en Draghi, vient de s'affirmer. Une ligne européenne et fiscalement responsable. Une ligne qui protège le pays contre son insondable dette et qui lutte contre la pandémie. Le système italien ressemble à la IVème République et c'est pourquoi l'influence d'un président italien devrait être limitée à celle de Vincent Auriol. Mais il y a chez cet homme aux cheveux blancs une constance, une fermeté, une volonté d'écarter les aventuriers qui l'honore, même si elle le conduit à outrepasser ses droits quelque peu.

Le faux-pas de Matteo Renzi

Le premier constat est que M. Renzi, soumis à ses pulsions et à sa rancœur contre l'adversité, a fait un grave faux-pas. On ne déclenche pas une crise politique sous le prétexte qu'on est de mauvaise humeur et, surtout, on ne s'oppose pas à un homme intègre avec lequel on a une proximité idéologique naturelle pour le remplacer par un autre qui est en somme son clone. D'autant que Mario Draghi explore maintenant un labyrinthe, celui de la politicaillerie et des combinazioni, qui ressemble à l'enfer, les égoïsmes particuliers, comme celui de Renzi, remplaçant l'intérêt général, sous la menace gloutonne des populistes et des extrêmes. 

Le pari de M. Mattarella est que ce n'est pas la première fois que l'Italie fait appel à des technocrates comme Mario Draghi pour mettre un terme à une crise politique totalement artificielle. Quand Mario Monti, spécialiste des finances, a été désigné il y a quelques années pour former le gouvernement par le prédécesseur de M. Mattarella, c'était tout simplement pour écarter les populistes et laisser des experts faire leur travail. Les Français aiment assez l'Italie pour lui souhaiter bonne chance. Il n'y aurait rien de bon pour la France à ce que la péninsule soit accaparée par des politiciens hostiles à l'Union européenne et aux équilibres fondamentaux.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Pharmacien