Les petits fabricants sont menacés de disparition

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Publié le 20/10/2022
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Nicolas Cappelaere, vice-président de Synadiet (Syndicat national des compléments alimentaires) et fondateur des Laboratoires Ineldea, explique au « Quotidien » comment la révision du règlement Reach peut mettre en danger les filières des huiles essentielles (HE) en pénalisant les fabricants.
Nicolas Cappelaere

Nicolas Cappelaere
Crédit photo : DR

Le Quotidien du pharmacien.- Pour quelles raisons cette nouvelle réglementation est-elle discutable et contestée par les producteurs d'HE ?

Nicolas Cappelaere.- Le règlement Reach a été mis en place en 2007 pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne. Les HE sont des substances naturelles issues de plantes, elles devraient logiquement être exclues de ce dispositif. Bien que composées de 200 à 300 molécules différentes, elles ont une identification botanique et phytochimique bien définie et elles ne doivent pas être régies par ce règlement comme l'exigent les nouvelles décisions européennes, mais bénéficier du statut de produits finis. Actuellement les producteurs doivent respecter des cahiers des charges qui leur imposent des normes strictes pour produire des HE de qualité strictement contrôlées, c’est la mention 100 % pure, 100 % naturelle et 100 % totale qui garantit la sécurisation d'approvisionnement.

Les inquiétudes de l'ensemble des professionnels sont-elles justifiées ?

Si le nouveau règlement Reach est appliqué, les producteurs vont devoir fournir des dossiers scientifiques détaillés portant sur la nature même d'une huile essentielle. Or pour la plupart ce sont de petits exploitants qui n'ont ni les outils techniques ni les moyens financiers pour analyser tous les composants de chaque HE. À court terme ils sont menacés de disparition et avec eux un grand nombre d'HE. C'est toute la chaîne des HE, du producteur au consommateur, qui est fragilisée. Faute de matières premières adéquates, les acteurs de mise sur le marché seront contraints de s'approvisionner auprès d'acteurs étrangers qui évoluent dans un contexte réglementaire plus favorable et dont certains sont peut-être moins scrupuleux sur la qualité de leurs produits. C'est alors la santé et la sécurité du consommateur qui peuvent en faire les frais.

Est-il souhaitable d'envisager une réglementation commune aux six catégories réglementaires actuelles pour résoudre le problème du multistatut des HE ?

Une telle décision ne ferait que semer la confusion chez les consommateurs et accroître les risques de mésusages en les laissant décider seuls de l'emploi qu'ils veulent faire du produit. Tout est une question de dose et de quantité. Chaque réglementation permet d'encadrer de manière adaptée l'utilisation des produits à base d'HE selon les fonctions et le statut sous lesquels ils sont commercialisés. Il appartient au responsable de leur mise sur le marché de respecter les exigences auxquelles le produit doit répondre, et d'informer les consommateurs sur le mode et les précautions d'emploi. Ce cadre permet de les rassurer en fixant des doses maximales de sécurité et en autorisant des allégations spécifiques. Pour les HE commercialisées en tant que compléments alimentaires, la réglementation actuelle a introduit une obligation de déclaration auprès de la DGCCRF et les allégations de santé sont soumises à une autorisation préalable.

Propos recueillis par Christine Nicolet

Source : Le Quotidien du Pharmacien