M. Lisnard a été élu par 62 % des suffrages, ce qui, sans être un triomphe, reste un excellent résultat pour LR, et écarte une fusion des droites : d'aucuns craignaient que l'AMF bascule en faveur du président sortant. Les relations entre les 32 000 maires de France et Emmanuel Macron se sont considérablement dégradées avec la suppression progressive de la taxe d'habitation qui a beaucoup compliqué le financement des municipalités, même si le gouvernement s'efforce de remplacer le produit de la taxe par des dotations.
Les maires les jugent insuffisantes, ce qui explique leur posture, mais beaucoup d'entre eux comprennent la logique politique née de l'affrontement avec l'extrême droite. C'est ainsi que Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, a pu être réélu au printemps avec l'appui de la majorité présidentielle qui a empêché le Rassemblement national d'emporter la seule région qu'il fût en mesure de gagner. Mais, bien que l'hostilité contre le président Macron soit entretenue par ceux qui, chez LR, préfèreraient, comme Éric Ciotti, voter Éric Zemmour au second tour plutôt que pour M. Macron, la donne électorale n'a pas changé.
Un dilemme pour LR
L'élection de M. Lisnard, en effet, n'a pas modifié les intentions de vote alors que l'on décèle, dans les sondages, un tassement de M. Zemmour et une légère remontée de Marine Le Pen. Les maires ne sont pas propriétaires des suffrages de leurs concitoyens. La notion de « vote utile » commence à s'affirmer dans les intentions de vote, au sein de la droite mais aussi de la gauche, chez tous les modérés qui se disent qu'il vaut mieux voter Macron que d'éparpiller les voix entre des candidats du premier tour qui n'ont aucune chance de se retrouver au second.
Ce qui explique que le chef de l'État ait reçu les maires en grande pompe à l'Élysée sans manifester la moindre inquiétude. Il aurait sûrement préféré l'élection de Philippe Laurent, maire UDI, mais il fait bon cœur contre mauvaise fortune. Bien entendu, les maires se targuent d'avoir gardé leur indépendance et de ne pas avoir cédé à la pression de la majorité présidentielle, pas plus qu'au machiavélisme de la macronie. Ce faisant, ils ont confirmé la stratégie, parfois suicidaire, de LR qui en 2017, a refusé de donner une consigne de vote en faveur de Macron au second tour.
Le résultat de l'élection interne de l'AMF ne pèsera pas dans les élections de l'an prochain qui seront arbitrées par le pouvoir d'achat et par le réchauffement climatique, tous deux dans un état rédhibitoire. Certes, le président de la République s'efforce de cumuler plusieurs atouts pour s'assurer de sa victoire. Mais il est parfaitement capable de faire la part des choses et lui qui a eu un Premier ministre venu de LR ne considère pas ce parti comme un ennemi. Il a simplement conscience que sa majorité s'est effritée avec le temps et qu'il ne pourrait pas gouverner sans le soutien du MoDem. Or, s'il a une majorité aujourd'hui à l'Assemblée, il n'est pas certain que, après lui avoir accordé un second mandat, les Français lui donneront une majorité législative. La logique du quinquennat, qui exige l'élection du président avant celle des députés risque de s'inverser en 2022.
Voilà pourquoi, il essaie d'élargir sa majorité actuelle au centre et plus particulièrement vers les centristes de LR. La lutte entamée depuis quelques mois, la précampagne, le rôle des sondages, ont démontré que ce qui est en jeu, c'est le choix entre démocratie et régime autoritaire.