Ces deux immenses démocraties que sont l'Union européenne et les États-Unis risquent de basculer dans l'autoritarisme parce qu'elles sont attaquées à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. Les régimes populistes, en effet, les tournent en dérision. Ils en décrivent les faiblesses pour pouvoir persuader les peuples qu'ils dirigent que ceux-ci bénéficient d'un système bien supérieur. Aidés par les tensions régionales et par le terrorisme, ils tentent de nous intimider. Par exemple, la Russie défie l'OTAN tous les jours par des provocations maritimes ou aériennes en s'approchant dangereusement des aéronefs de l'alliance ou en violant ses eaux territoriales.
C'est déjà grave et cela crée une atmosphère d'avant-guerre qui ne correspond, d'ailleurs, à aucun projet d'invasion ou de confrontation. Il s'agit surtout de flatter le nationalisme russe. Il en est de même en Turquie où le président Erdogan défie à la fois les Occidentaux et les Russes, ce qui le plonge dans l'isolement. Mais les démocraties sont aussi minées de l'intérieur. Hostiles à toute forme d'abus de pouvoir, elles ont rejeté le marxisme. De sorte qu'elles endossent la responsabilité des inégalités, sous le prétexte qu'elles seraient dominées par les oligarchies et qu'il y aurait un forme de complicité entre les élus et les entreprises, lesquelles ne paieraient pas leurs salariés en fonction de leurs besoins.
Voilà ce qui a conduit en France au mouvement des gilets jaunes. C'est l'ordre qu'ils ont contesté, c'est la démocratie républicaine, c'est une loi dont ils pensent qu'elle joue uniquement contre eux. Les gilets jaunes ont causé assez de dégâts, ont coûté assez cher, avant d'être balayés par la pandémie et le recul économique, pour que le gouvernement examine le phénomène, établisse un diagnostic et pense à un traitement. Il a fait un effort financier, jugé insuffisant, mais il n'a pas adapté le « système » à la crise pourtant grave qu'il venait de subir. Il existe sûrement, dans ce rapport entre les gilets jaunes et l'autorité, une aire vaste d'incompréhension. Pour une raison simple : pour satisfaire des revendications excessives et parfois incohérentes, il faut probablement renoncer à la démocratie parlementaire.
Une fièvre qui ronge la société
C'est ce qu'ont cru comprendre les hommes qui se sont emparés de la furie populaire pour instaurer une gouvernance chaotique, injuste, mensongère et seulement éclairée par l'illusion. C'est le cas aux États-Unis, c'est aussi celui du Brésil ou du Vénézuéla. Pour satisfaire un peuple plongé dans la misère, on détruit le droit, les règles, l'ordre et on entretient un chaos permanent. Il s'agit d'une maladie, d'une fièvre qui ronge peu à peu les organes intérieurs de la société. Aujourd'hui, l'Amérique est divisée comme elle ne l'a jamais été depuis la guerre de Sécession. L'Union européenne est affaiblie par la présence en son sein d'une série de partis d'extrême droite. Les conséquences du populisme sont très négatives. Le système injustement haï est fragilisé ; il est gagné par la violence ; il est affaibli face au terrorisme international ; il est mis en demeure de se suicider pour complaire aux manifestants et groupes divers.
Je n'exagère pas. Des gilets jaunes ont crié aux policiers : « Suicidez-vous ! » Le programme de la France insoumise repose sur la création d'une convention chargée de rédiger une nouvelle constitution, et élire une nouvelle assemblée. Pourquoi une telle révolution ? Mais parce qu'on ne peut satisfaire des revendications populistes sans tout chambouler. Observez la stratégie de Donald Trump (il ne s'est jamais caché de ses intentions) : il a juré avant l'élection qu'il n'en respecterait pas le résultat s'il ne lui était pas favorable. Il a tenu son serment. Il veut contraindre les tribunaux à annuler des suffrages prononcés d'une manière parfaitement démocratique, donc organiser une immense fraude publique qui bafoue les droits les plus élémentaires du citoyen. Ne me dites pas que le danger est lointain.