Les résultats actuels de la lutte contre le virus ne sont pas encourageants : l'apparition du variant brésilien complique la donne ; le refus de l'AstraZeneca par une partie de la population freine la dynamique vaccinale ; la suspension du Johnson & Johnson crée une pénurie partielle de vaccin ; les mesures de confinement ne nous ont pas apporté le répit tant espéré.
Tous ces signes avant-coureurs d'un recul par rapport à nos objectifs ne relèvent pas nécessairement de la responsabilité du gouvernement : la multiplication des variants crée des mesures d'exclusion parfois difficiles à prendre dans la mesure où elles détériorent les relations internationales ; le froid persistant contribue à la contamination ; l'indiscipline observée chez de petits groupes témoigne d'un manque de civisme coupable. Le coût de 424 milliards d'euros attribué à la pandémie pour les années 2020, 2021 et 2022, semble faramineux mais il est en phase avec une crise sanitaire dont le précédent remonte à plus d'un siècle.
Le monde de 2020 a réagi avec des techniques innovantes et produit un exploit : la mise au point de plusieurs vaccins en moins d'un an. Assurément, cette rapidité aura épargné des millions de vies humaines. Il y a un temps pour déplorer la mortalité et les séquelles de la maladie et un temps pour célébrer la magnifique réaction scientifique de l'humanité. L'inévitable politisation de la crise, en France notamment, constitue l'élément le plus consternant de cette guerre d'un nouveau genre que nous livrons. La campagne électorale pour le scrutin présidentiel de 2022 a commencé dans un contexte si désastreux qu'il méritait sans doute un sursaut d'unité nationale. Impunément, les partis d'opposition ne cessent de recenser les failles de l'exécutif, de dénoncer des hésitations dont ils n'ont, à ce jour, aucun moyen de prouver qu'ils les auraient rapidement surmontées, de pratiquer la politique de l'abîme alors que nous n'en avons jamais été aussi proches.
Le silence est d'or
Cette désunion, cette volière qu'est devenue l'Assemblée nationale, le naufrage du personnel politique qui a suivi celui de la médecine, la montée en puissance du verbe corrosif, inutile et indigne ne répondent guère aux questions que pose le peuple. Il faudrait d'abord du silence. Il faudrait ensuite de l'indulgence, face à une expérience qu'aucun parti n'a eu à gérer depuis la Seconde guerre mondiale. Il faudrait enfin de la cohérence, de la continuité et un discours général plus rassurant. Or l'opposition n'est pas plus crédible que l'exécutif ; elle se fâche quand elle n'est pas consultée et quand elle l'est ; elle critique des mesures qu'elle aurait prises ou une absence de mesures qu'elle-même n'aurait pas prises.
La collision entre la pandémie et une campagne électorale déjà amorcée offre une image sombre du pays. Il mérite mieux, par exemple, un cessez-le-feu provisoire, jusqu'à la fin de l'été. Ce n'est pas seulement le pouvoir qui rendra des comptes ; les partis aussi qui, au fond, se contentent d'instrumentaliser le virus de la manière la plus populiste, la plus démagogique, la plus cynique qui soit. Dans ce pays où l'action publique est désormais judiciarisée, on comprend mal que les ministres d'aujourd'hui seront ultérieurement traînés en justice et que l'opposition, elle, ne soit pas mise en examen.