Les périodes de crises fournissent souvent le ferment d'évolutions accélérées. Celle du Covid-19 ne fait pas exception. Et c'est dans le domaine de la santé numérique que l'épisode pandémique semble avoir le plus bousculé les choses.
Tel était justement le thème de la Web conférence organisée samedi dernier par l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). « Rendez-vous compte, l'année dernière on se réjouissait du chiffre de 60 000 téléconsultations réalisées en un an, alors qu'en avril 2020, nous avons atteint le chiffre de 1 million d'interventions ! » souligne le consultant en e-santé, Michel Barth (président d’Enoving). « Cette crise a modifié nos habitudes de travail et même notre rapport au patient, confirme le Dr Jacques Dauberton (médecin généraliste dans le Grand Est, ancien conseiller des crises sanitaires au ministère de la Santé), mais nous avons su développer des outils adaptés à cette nouvelle configuration. » Notamment numériques, précise le praticien : « Outre la pratique des téléconsultations, ces outils nous ont permis d'installer un nouveau dialogue entre médecins, infirmiers, pharmaciens… »
La coordination interprofessionnelle boostée par la crise ? « Sans aucun doute », estime pour sa part Grégory Tempremant. Pour le président URPS pharmaciens des Hauts-de-France, l'épisode actuel a contribué à valider l'importance des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé). « Les médecins, un peu sceptiques jusque-là, ont fini par s'y intéresser. Notamment grâce au recours à l'outil numérique qui est un peu la pierre angulaire des CPTS. »
Généraliser le télésoin
Mais pour les pharmaciens, s'il est un acte consacré par la crise via l'outil numérique, c'est bien le télésoin. « La téléconsultation à l'officine par temps de Covid-19 n'était pas dans l'intérêt du patient », rappelle, pragmatique, Grégory Tempremant. En revanche, le télésoin a toute sa place. La démarche s'exécute en deux temps, explique-t-il : « À l’issue de la téléconsultation, la première intervention du pharmacien consiste à échanger avec le patient autour de la disponibilité du traitement prescrit et des modalités de la livraison des médicaments. Une livraison qui s'opère ensuite par l'intervention d'une tierce personne et de façon sécurisée. Enfin, un second contact avec le patient permet à l'officinal de lui expliquer son traitement. » Il y a un véritable continuum de soins, se félicite le président URPS pharmaciens des Hauts-de-France. Convaincu que le télésoin permet au patient d'éviter des pertes de chance, Grégory Tempremant s'étonne même qu'on n’y ait pas pensé plus tôt. « Voilà pourquoi, au sein de ma région j'ai un peu bousculé les choses », déclare-t-il. De fait, tous les pharmaciens des Hauts-de-France peuvent aujourd'hui pratiquer gratuitement le télésoin à partir d'un formulaire adapté. « Il faut rapidement généraliser le télésoin pour les pharmaciens, conclut-il. Le seul frein est aujourd'hui conventionnel. » À bon entendeur, salut !
D'après une Web conférence organisée par l'ANEPF le 9 mai 2020.