Chercheuse respectée, Mme Levallois déploie une argumentation forte selon laquelle il y aura d'autres conflits militaires qui, chaque fois, mettront la question palestinienne en tête des priorités internationales. De plus, elle attribue à la politique de Donald Trump le changement de paradigme intervenu pendant son mandat. Maintenant qu'il n'est plus là, la diplomatie de son successeur sera nécessairement différente. Et, effectivement, Bahrein, le Soudan et l'Arabie saoudite n'ont pas caché leur embarras. Ces pays ne poursuivront pas leur coopération discrète avec Israël dans un contexte chaotique où leurs intérêts seraient sacrifiés.
Cependant, il faut se demander si l'évolution des pays précités, qui a quand même pris plusieurs décennies, sera affectée durablement au terme de la crise, dont le règlement par la négociation est recherché par les grandes puissances, avec, notamment, le concours de l'Égypte. Dans le même « Monde », l'historien Vincent Lemire, spécialiste de Jérusalem, insiste tout d'abord sur la puissance du mouvement des Palestiniens de Jérusalem-Est pour empêcher les exactions israéliennes avant de souligner le rôle néfaste du Hamas qui, par ses bombardements de roquettes, a tenté vainement de récupérer à son compte le combat pour la protection de la Ville Sainte. Or, si l'on suit le raisonnement de M. Lemire, la fin des combats entre Israël et le Hamas se traduirait par un retour à la case départ, la bataille des Palestiniens pour rester présents à Jérusalem.
Le problème, c'est l'Iran
Il n'est donc pas interdit de croire que, même si de nouveaux conflits (par ailleurs alimentés par l'Iran) apparaissent, la détente israélo-arabe, riche d'avantages pour tout le Proche-Orient, se poursuivra. La preuve a déjà été fournie que, pour tous les pays arabes de la région, la question palestinienne n'est gênante qu'en cas de militarisation du conflit, alors que le problème qui leur est posé par l'Iran, décidé à imposer sa suprémacie dans le monde musulman et sans doute bientôt capable de construire à la fois un engin nucléaire et son vecteur, est infiniment plus alarmant.
De sorte que, de ce point de vue, le rapprochement israélo-arabe pour prévenir le danger iranien n'a rien à voir avec les sentiments et a tout avoir avec des intérêts bien partagés. De toute façon, aucune situation ne reste statique. L'histoire n'est jamais finie. Pour commencer, le gouvernement de Benjamin Netanyahu peut démissionner et être remplacé par des personnalités différentes, capables, peut-être, de s'affranchir de l'influence négative des petits partis. Des centristes au pouvoir à Jérusalem, par exemple, auraient à cœur d'apporter un début de solution au problème palestinien, ce qui améliorerait du même coup les rapports d'Israël avec le monde arabe. De la même manière, le Hamas, qui a l'Iran pour seul soutien, risque d'être sérieusement affaibli après la bataille, comme il le fut en 2014, assurant sept ans de calme aux Israéliens. Et enfin, si Jérusalem a mis le feu aux poudres, c'est quand même la capitale de l'État juif depuis 1948 et le geste de Donald Trump, qui a transféré son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, a mis fin à une hypocrisie internationale.
En revanche, l'idée selon laquelle le nationalisme palestinien est mieux défendu par le Hamas que par le Fatah est illusoire. Pour une raison simple : les commentaires purement moraux qui condamnent la stratégie israélienne ignorent complètement un élément d'analyse essentiel prouvé par les guerres et les tragédies qui se sont succédé depuis 70 ans : quand l'État hébreu livre bataille, il sait qu'il joue sa survie, une défaite signifiant la mort. C'est pourquoi, s'il est licite de critiquer ce qu'en Europe on appelle « l'usage disproportionné de la force », il est moins simple de condamner ce qui est de la légitime défense.