Après le départ à la retraite, cet été, d'un médecin qui louait un cabinet dans le pôle de santé construit depuis dix ans par Michelle Leguen, deux des cinq cabinets sont à nouveau vacants. Cette pharmacienne de Saint-Lô (Manche) en a bien loué un à trois sages-femmes, mais elle se heurte à nouveau au manque de généralistes dans son quartier.
« Il y avait des médecins près de la pharmacie, il y a vingt ans, mais ils sont partis s'installer au Pôle de santé, et ont laissé leur clientèle. » Michelle Leguen avait alors investi 300 000 euros pour faire construire un cabinet et le louer à des médecins. Le maire d'alors était venu à l'inauguration, la félicitant pour cette initiative. La consœur voulait déjà répondre au manque de médecins dans son quartier de l'est de la ville.
Aujourd'hui, des habitants continuent de s'installer dans le quartier, mais les médecins refusent ces nouveaux clients. Même les deux cabinets regroupés dans le centre-ville – une offre de santé correcte pour la population de ce quartier - ne prennent plus de patients d'autres quartiers.
Michelle Leguen se sent seule dans sa périphérie : « Les médecins vont sur Agneaux », au nord-ouest de Saint-Lô, ou en centre-ville. « Ici la population vieillit, dit-elle, les problèmes de déplacement augmentent, et les transports en commun sont peu pratiques. » Selon elle, il faut un autre pôle de santé, dans l'est de Saint-Lô, mais certains « veulent des pôles énormes, que ne peuvent pas financer les collectivités locales ».
Une ville où il fait bon vivre
Saint-Lô est la ville préfecture de la Manche et compte 19 000 habitants, c'est peu et beaucoup à la fois. Tout le sud Manche connaît des problèmes identiques de manque de médecins, au point que, à l'initiative de l'hôpital Avranches-Coutances, un grand débat avait mobilisé le grand public et les professionnels de santé fin 2019 autour de la question de l'accès aux soins (voir « Le Quotidien » du 2 mars 2020).
Michelle Leguen « continue à secouer le cocotier ». Elle passe des annonces dans des revues, envoie des lettres (quatre cents à ce jour) avec photo, démarche dans les facultés de médecine, téléphone aux remplaçants dont elle voit le nom passer sur des ordonnances. Elle a aussi contacté le Conseil départemental de la Manche, suggérant par exemple le versement d'aides aux études de futurs médecins, moyennant un « temps de service » en sud Manche.
« Les médecins sont les rois du pétrole, ils bénéficient de protectionnisme », s'insurge-t-elle. Elle n'envisage pas la télémédecine, car, dit-elle, « la médecine, ce sont des rapports humains, la clinique, c'est la personne en face ». Elle ne renoncera pas car, selon elle, Saint-Lô est une ville où il fait bon vivre, ce qui rend d'autant plus incompréhensible qu'on ne veuille pas s'y installer.