Dans quatre mois au plus tard, les pharmaciens disposeront d'une nouvelle convention qui régira, pour cinq ans, leurs relations avec l’assurance-maladie. L’initiative en revient à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui, à l’issue des élections aux URPS, a annoncé qu’elle comptait dénoncer la convention en cours. Dont acte. Engagés depuis le 10 novembre dans des négociations, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), la FSPF, l’Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam) et l’assurance-maladie s’efforcent de dessiner les contours de ce que sera l’exercice officinal de demain. Un champ qui n’a eu de cesse de s’élargir au cours de la précédente convention et qui a gagné en amplitude pendant la crise sanitaire.
La crise sanitaire complexifie
L’issue de cette nouvelle convention ne sera pas sans conséquences puisque ces nouvelles mesures orienteront à la fois les missions des pharmaciens et leur rémunération. Au diapason sur les axes tracés par la lettre de mission du ministère de la Santé à l’assurance-maladie, les partenaires conventionnels risquent d’être moins unanimes sur le volet financier. Maîtrise des coûts oblige. Mais aussi, autre facteur, la fin de la doctrine gouvernementale du « quoiqu’il en coûte » risque de resserrer les cordons de la bourse.
Philippe Besset, président de la FSPF, entend cependant passer outre ces contraintes budgétaires. Car, selon lui, 400 millions d’euros manquent au réseau officinal pour lui permettre de mener à bien ses missions de santé publique et, tout simplement, de préserver son intégrité. Comme le rappelle le président de la FSPF, « à la différence d'autres professions comme les médecins ou encore les salariés de l'officine, l'évolution de la rémunération des pharmaciens est protéiforme. Elle peut ainsi prendre la forme d'une revalorisation des grands conditionnements, mais aussi d'une révision de la ROSP génériques et des différents honoraires de dispensation ».
Thomas Fatôme, directeur général de l’assurance-maladie, ne perd pas de vue que les négociations risquent d’être complexifiées par la crise sanitaire. Dans une interview exclusive accordée au « Quotidien du pharmacien » le 9 novembre, il déclarait : « Il n'aura échappé à personne que les pharmaciens ont été largement impliqués durant celle-ci. Ce qui a incontestablement valorisé et consolidé certaines missions qui leur avaient été confiées lors des précédentes conventions. La crise a notamment confirmé l'évolution du rôle des pharmaciens en tant qu'acteurs de prévention et, à notre sens, va permettre de l'accélérer. La crise a aussi eu des impacts financiers importants sur l'équilibre économique de l'officine. Notre travail visera à faire la part des choses entre le caractère exceptionnel de certains éléments et une trajectoire pluriannuelle qu'on espère tous moins heurtée… »
Dans ce contexte de crise sanitaire, les deux syndicats de pharmaciens se sont accordés pour désigner l'année 2019 comme base de référence pour négocier les nouvelles orientations de la rémunération officinale. Il n’en reste pas moins que les discussions risquent donc de se tendre dans les semaines à venir, l’évolution de la rémunération des pharmaciens d’officine constituant l’un des six axes cités par le ministre de la Santé.
Une feuille de route ambitieuse
Outre ce sujet crucial, les groupes de travail ont également planché, semaine après semaine, sur le bon usage du médicament, l’accès aux soins et la coordination des soins, le numérique, le bon usage du médicament, les enjeux écologiques et la prévention. Sur ce dernier volet, Thomas Fatôme a confié au « Quotidien du pharmacien » quelques pistes de réflexion : « Si l'assurance-maladie reste très attachée au rôle clé du médecin traitant, la crise sanitaire a démontré la capacité des pharmaciens à agir dans le champ de la prévention et à relayer des messages de prévention. »
Ainsi, les partenaires conventionnels ont-ils déjà commencé à partager, très concrètement, sur des sujets tels que le rappel des vaccinations pour les adultes ou la délivrance de kits de dépistage du cancer colorectal. Ces deux exemples montrent qu'il ne s'agit pas seulement d'une orientation stratégique mais que ce type de missions, encore une fois très concrètes, pourraient être confiées aux pharmaciens dans le cadre des discussions conventionnelles.
La feuille de route s’annonce donc ambitieuse. Mais non contentes de balayer l’ensemble des avancées attendues par les syndicats, les négociations trouveront une autre source d’inspiration. Fait inédit dans l’histoire conventionnelle, l’assurance-maladie a ouvert un site participatif, invitant tous les pharmaciens y déposer pendant six semaines leurs propositions pour l’exercice officinal des cinq prochaines années.