La vaccination pourrait gagner la course contre les variants et la France espérer un été plus serein, laissent présager les dernières mises à jour des modélisations de l'Institut Pasteur.
L'équipe de Simon Cauchemez a pris en compte l'augmentation de la transmissibilité et du risque d'hospitalisation liée au variant B.1.1.7 (dit anglais), l'effet du climat sur la transmission, ainsi que certaines observations faites l'été 2020 (notamment sur la levée partielle des mesures de contrôle).
Pas de reprise si poursuite de la décrue des infections et de la vaccination
Deux hypothèses se dégagent : si le rythme de décrue des infections et hospitalisations se maintient jusqu'au 9 juin (date de la réouverture des restaurants et du couvre-feu à 23 heures) et que le rythme de vaccination reste stable ou s'intensifie, « on ne s'attend pas à observer cet été de reprise importante de l’épidémie liée au variant B.1.1.7 sous les conditions de contrôle qui avaient été mises en œuvre durant l’été 2020 », lit-on.
« Si on arrivait à descendre au 15 juin en dessous des 5 000 cas, à 200-100 hospitalisations par jour, on basculerait vraiment dans une nouvelle ère de l'épidémie. On serait dans un autre schéma qui nous permettrait de passer un été beaucoup plus tranquille », a par ailleurs commenté le Pr Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique. Pour rappel, dans son avis du 6 mai, le Conseil scientifique considérait qu'une incidence inférieure à 100 cas pour 100 000 habitants par semaine (10 000 nouveaux cas par jour) lors du troisième déconfinement et un objectif de 35 millions de primovaccinés fin juin seraient un gage de sérénité pour les mois à venir.
Deuxième étape du calendrier cruciale
En revanche, si la décrue s’arrête après la deuxième étape du calendrier de réouverture, que les taux de transmission repartent à la hausse, « la situation épidémiologique durant l’été est plus incertaine ». « Si on reste dans une zone de 10 000-15 000 cas par jour, là, on ne peut pas dire ce qui se passera pendant l'été parce qu'un variant de type indien qui arriverait en territoire français pourrait rendre la situation difficile », explicite le Pr Fontanet.
Un rebond ne pourrait alors pas être exclu, et sa taille dépendrait des taux de transmission sur la deuxième moitié de mai et en juin, du rythme de vaccination et des hypothèses sur l’augmentation de transmission du variant B.1.1.7. « Dans tous les scénarios explorés, ce rebond resterait plus petit que la 3e vague épidémique », précisent les auteurs.
Aujourd'hui, plus de 33 millions de Français ont reçu au moins une dose de vaccin anti-Covid, et le taux d'incidence continue à baisser (au 16 mai, il est de 154 pour 100 000 habitants, selon Santé publique France, et de 120 le 19 mai, date de la réouverture des terrasses et magasins).
À cette note d'optimisme, viennent s'ajouter les derniers résultats de l'étude en vie réelle de Epi-Phare (Groupement d’intérêt scientifique ANSM-Cnam), qui met en évidence, à partir des données de plus de 4 millions de Français, une diminution de 87 % du risque de forme grave de Covid-19 chez les plus de 75 ans, une semaine après l'injection de la deuxième dose. Ces personnes ont ainsi 9 fois moins de risque d'être hospitalisées pour Covid-19 que les personnes de plus de 75 ans non vaccinées.
Prudence, toutefois
Si les raisons d'espérer sont réelles, les chercheurs de l'Institut Pasteur émettent plusieurs réserves. D'abord, ces projections ne tiennent que si la vaccination suit son cours et n'est pas ralentie par l’hésitation vaccinale ou le sentiment erroné qu'elle n'est plus nécessaire. En outre, elles pourraient être modifiées par l'émergence de variants autres que le britannique (ces modélisations reposent sur les caractéristiques du B.1.1.7) ou si une partie non négligeable de personnes infectées par le SARS-CoV-2 perd son immunité.
Enfin, l'influence du climat sur les transmissions reste difficile à quantifier, tout comme les interactions sociales et les comportements des Français, lors de ce second été à l'ombre du coronavirus.
Conséquence, selon le Pr Fontanet, il est trop tôt pour ranger le masque, même pour les personnes vaccinées qui encourageraient ainsi à tort les autres à faire de même. « Il faut atteindre les 60 % de vaccinés en population générale, on commencera alors à entrer dans des zones beaucoup plus confortables », préconise-t-il.