Les généraux seront punis et les militaires non-gradés passeront devant un conseil de discipline. La vague tentative de putsch à laquelle se sont livrés des généraux, retraités ou non, des officiers supérieurs ou des non-gradés, dans un texte qu'ils ont signé pour l'hebdomadaire « Valeurs actuelles » n'a guère atteint le rivage. Malheureusement, nous sommes dans une époque où médias et réseaux sociaux s'emparent d'un sujet même s'il leur brûle les doigts. On ne joue pas avec les termes de la Constitution sans plonger dans la délinquance. Les « dissidents » seront punis.
Le plus surprenant, c'est la hâte avec laquelle Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, s'est jetée sur le sujet en apportant son aval à la démarche des « putschistes », plus enclins à donner leur avis qu'à passer à l'acte. Malgré la pandémie, Marine a tombé le masque. La voici qui apparaît dans toute la lumière, la fille de Jean-Marie, l'homme qui vient des heures les plus sombres de la guerre d'Algérie, l'homme qui a rassemblé autour de lui les forces les plus intolérantes du pays, le numéro un de l'anti-gaullisme. Elle, qui a tout fait pour se débarrasser de ce père encombrant, a signalé par inadvertance ou par absence d'analyse, sa promiximité non seulement avec un père contesté mais avec les convictions qu'il continuera à défendre jusqu'à son dernier souffle.
Pulsions d'intolérance
Que veulent les généraux dissidents ? Que Marine entre à l'Élysée, par la volonté de l'électorat ou d'une tout autre manière. Sans doute sont-ils assez vieux pour être pressés. Ils n'ont pas le temps d'attendre, ils croient que la dislocation du pays aura lieu dans quelques mois ou quelques semaines. Vite, un changement de régime ! Et qui, pour remplacer Macron? Marine, bien sûr !
Le complot est probablement né dans l'esprit de quelques imbéciles, mais en le reprenant à son compte, Marine Le Pen en consacre à la fois le danger, la folie vertigineuse, l'atteinte indélébile aux institutions. Nous ne sommes pas gouvernés, que je sache, par des pulsions d'intolérance, mais par des élus et par une démocratie parlementaire, toutes choses que d'aucuns considèrent comme des signes de faiblesse, exactement comme les dirigeants autoritaires qui gouvernent, avec des conséquences néfastes, des peuples sous le joug. C'est le fondement essentiel du discours de Mme Le Pen, d'exposer une analyse cataclysmique de la crise nationale, et ne voilà-t-il pas que 0,1 % des militaires abondent dans ce sens, donnant à la patronne du RN un os inespéré à ronger ? Le droit contre les fariboles. Les institutions contre l'anachonisme. L'armée contre la classe politique, dont une partie, quelque peu masochiste, applaudit chaleureusement au phénomène.
Français, si vous aviez un doute au sujet des intentions de Mme Le Pen, c'est pour vous l'occasion ou jamais de prendre vos distances avec elle. C'est l'occasion de dire qu'aux desseins pervers de quelques-uns qui s'ennuient assez pour imaginer une pantalonnade, il faut riposter avec tous les moyens offerts par les institutions. C'est l'occasion de dire que, dans les manœuvres labyrinthiques de l'extrême droite pour gagner la présidence de la République, la stupidité s'ajoute cette fois à la perversité.