Le tableau est d'autant plus inquiétant qu'il était inattendu. Sur le plan de l'expansion économique, l'année 2021 a été exceptionnelle et la France aura été l’un des pays qui auront le mieux tiré leur épingle du jeu. Rien ne laissait prévoir, sinon un retour progressif à la hausse des prix, que cette période de vive croissance serait suivie par une inflation incontrôlable et une érosion record du pouvoir d'achat. Les gouvernements occidentaux prennent des mesures pour protéger des citoyens dont le revenu est insuffisant pour absorber la hausse des prix. Mais la guerre en Ukraine ruine cet effort.
Ce qui montre à quel point toutes les économies du monde sont interdépendantes. Si les Ukrainiens ne peuvent pas exporter leur récolte de blé parce que la marine russe a fermé la Mer Noire, l'Égypte est en manque criant de céréales. Si la sècheresse sévit en France, et que la production est insuffisante, le prix des céréales ne cessera pas d'augmenter. De sorte que la pénurie se fait sentir bientôt à tous les niveaux.On a vu, par exemple, que le renoncement au gaz et au pétrole russes pose un problème proche de la quadrature du cercle. En même temps, il est absurde de financer par nos importations en provenance de Russie, une guerre que nous dénonçons tous les jours de la semaine.
Les gouvernements occidentaux sont sur une corde raide. Ils s'efforcent d'apaiser l'inquiétude de leur population en invoquant des arguments illusoires : la crise ne durerait pas, parce que la guerre ne durera pas et parce que nous allons trouver des palliatifs. L'inflation actuelle correspond à un emballement des économies au lendemain de pandémie et des confinements. En conséquence, si le Covid disparaît, disparaît aussi la hausse des prix. Mais la réalité des faits dément ces assertions. Non seulement la hausse des prix est très élevée, mais elle est installée depuis la fin de l'année dernière. Elle freine la croissance : toutes les prévisions ont été revues à la baisse. Elle n'a pas encore eu d'influence sur l'emploi, mais personne ne sera surpris si le taux de chômage augmente.
Le rôle salutaire des banques centrales
En France, la crise coïncide avec une transition démocratique qui aura immobilisé l'exécutif pendant quelques jours. La nouvelle équipe gouvernementale devra faire des prix sa priorité absolue si elle ne veut pas que disparaissent les acquis considérables de 2021. La croissance a été de zéro au premier trimestre de 2022, elle ne dépassera pas les 0,2 % au deuxième. Ce serait un miracle si nous retournons avant la fin de 2022 à un taux de croissance plus élevé et à un taux d'inflation égal ou inférieur à 2 %, ce qui est l'objectif de toutes les banques centrales.
Dans ce contexte, on ne saurait ignorer le rôle que jouent ces banques, notamment celle des États-Unis et celle de l'Europe, qui ont pour vocation d'augmenter le loyer d'un argent qui était devenu pratiquement gratuit. Cette hausse des taux sera progressive, mais les banques centrales ne relâcheront pas leur effort tant que l'inflation n'aura pas repassé la barre des 2 %. Ce qui implique une politique d'austérité. C'est la fin du « quoi qu'il en coûte » et de l'argent facile. Les emprunts des entreprises et des ménages seront plus coûteux, ce qui peut avoir des effets de type récessionniste.
Il faudra des trésors d'imagination et de savoir au prochain Premier ministre pour lutter efficacement contre l'inflation, d'autant plus que les deux causes du phénomène sont indépendantes de la politique observée par la France : le malheur vient de l'extérieur et seule la coordination des gouvernements affectés par la crise viendra à bout de la crise. Il est vrai que nous avons subi, successivement, une pandémie et une guerre contre lesquelles nous sommes désarmés. Mais ce raisonnement n'enlève rien à l'inconfort dans lequel nous allons vivre les prochains mois, quel que soit le génie du nouveau gouvernement ou quelle que soit l'utilité des critiques de l'opposition.