Il suffit de remonter le temps pour découvrir l'injustice de chacune des condamnations prononcées contre le chef de l'État. Prenons la plus récente, la gifle qu'il a reçue dans la Drôme et dont il a été accusé de l'avoir cherchée. N'avait-on pas dit de cet énarque, ce bourgeois d'Amiens, ce « président des riches » qu'il ne comprenait rien à la France profonde, qu'il ignorait le sort des plus pauvres, qu'il était incurablement jacobin ? Comment le blâmer en même temps d'aller au-devant des foules de province et de créer avec elles une relation ?
On l'a jugé excessivement réformiste. Son élection n'aurait été qu'une malédiction, car il aurait volé à la droite classique la magistrature suprême. Peut-on suggérer qu'un président François Fillon aurait à peine entamé son mandat qu'il aurait soulevé un mouvement de protestation au moins égal à celui des gilets jaunes avec les réformes qu'il envisageait ? Que M. Fillon a fait ce qu'il fallait pour être battu dès le premier tour ? Que l'affaiblissement des Républicains remonte à plus longtemps que la défaite de Sarkozy ? Que l'électorat n'appartient à personne et qu'Emmanuel Macron a été élu dans les conditions les plus démocratiques qui soient ?
On a tourné en dérision les énormes débats qu'il a ouverts en province avec les maires et avec la population. N'en a-t-il pas amélioré sa cote de popularité, celle qui, dès aujourd'hui, fait de lui un candidat parfaitement crédible à sa réélection ? On verse sur lui des torrents d'injures parce qu'il ne maîtrise plus l'insécurité alarmante dans ce pays. Mais le phénomène n'a-t-il pas commencé il y a quarante ans ? On fait, non sans délice, le procès de son autoritarisme, mais n'agit-il pas conformément à la Constitution et aux règles de la démocratie ? Et comment réprimer le crime et la délinquance sans autorité ?
Un déluge d'anti-valeurs
On a accablé de sarcasmes sa gestion de la pandémie. Mais on oublie de le remercier depuis que le Covid a été jugulé, ne fût-ce que temporairement. Il a droit à toutes les insultes, à aucun compliment. On a fait de lui un épouvantail sans se douter qu'il ne représente en rien les anti-valeurs, celles qui sont portées par les extrêmes, le cynisme, le mensonge, la démagogie, la tentation totalitaire, le déni de la réalité, la trahison permanente, les alliances perverses, la collusion de l'extrême gauche et de l'extrême droite, le durcissement incessant des discours prononcés par ceux qui souhaitent rejoindre le délire des réseaux sociaux et qui, loin d'y tenir des propos pédagogiques, accompagnent par paresse et par lâcheté le flot de haine qui en émane.
On lui a dit que le « quoi qu'il en coûte » coûtait trop cher, sans indiquer que, de cette manière, il préparait le pays à un rebond de croissance. Puis, on l'a sommé de nous dire comment il allait régler la facture. Un peu comme s'il ne fallait pas protéger l'économie et la santé des Français en même temps. Comme si n'importe qui eût mieux fait que lui et nous eût assuré à bon prix la victoire contre le virus et l'aisance économique et sociale. Oui, il y a mieux que Macron. Ce mieux est dans le rêve des Français, qui s'y abandonnent avec langueur, sans savoir qu'il nous aurait conduits au cauchemar.