Cardiologie

Insuffisance cardiaque : des nouvelles recommandations européennes

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Publié le 04/01/2022
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La dapagliflozine et l’empagliflozine figurent désormais sur la liste des médicaments à dispenser dès que le diagnostic d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite est posé. Il en résulte une véritable remise à plat de l'algorithme thérapeutique jusqu'ici basé sur la hiérarchisation des molécules.
Le nouvel algorithme bouleverse  les pratiques

Le nouvel algorithme bouleverse les pratiques
Crédit photo : Phanie

Les nouvelles recommandations de prise en charge de l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection du ventricule gauche (FEVG) réduite, présentées lors du congrès de la Société européenne de cardiologie en août dernier, sont venues chambouler pas mal de pratiques. Pour la première fois, les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) intègrent la première ligne de traitement, qui associe quatre classes médicamenteuses, soulignant la volonté des auteurs de vouloir frapper vite et fort, sans les hiérarchiser.

Cette absence de hiérarchie se traduit par l'abandon de l'introduction séquentielle des médicaments. Les experts européens mettent désormais sur un pied d'égalité les quatre classes thérapeutiques : inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine (ARNi), bêtabloquants, antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) et iSGLT2. Le texte précise toutefois qu'un iSGLT2 ne doit pas être introduit seul, mais en plus d'un IEC, d'un bêtabloquant ou d'un ARM.

Dans le même temps, les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II) ont emprunté le chemin inverse des iSGLT2, puisqu'ils sont sortis de la première ligne de traitement, faute de bénéfice clairement prouvé sur la mortalité totale dans l’insuffisance cardiaque.

Privilégier la vitesse

Aucun délai de mise en place n'est préconisé, mais les discussions qui se sont tenues lors du dernier congrès de l'American Heart Association (AHA) semblent en faveur d'une initiation la plus rapide possible. « Le schéma d'initiation "historique" a été adopté au fur et à mesure de l’apparition de ces traitements sur le marché depuis les années 1990, explique dans un commentaire le Pr Albert Hagège, chef du département de cardiologie de l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris. Mais il a l’inconvénient d’être très long à mettre en place (en moyenne six mois) et, finalement, moins de 5 % des patients reçoivent les doses cibles optimales préconisées. »

Lors d'une présentation au congrès de l'AHA, le Dr Milton Packer de l'Imperial College de Londres a proposé une nouvelle approche ayant pour mot d'ordre : « quatre molécules en quatre semaines ». Partant du principe que les traitements instaurés en premier n'impactent pas l'efficacité des suivants, il préconise un schéma en trois étapes, commençant par une association de bêtabloquants et d'iSGLT2, suivie soit par un ARNi, soit par un ARM. La dernière étape consistant à ajouter le dernier traitement non utilisé à l'étape 2.

Ces recommandations s'appuient sur les résultats des essais Dapa-HF puis Emperor-
Reduced. Au cours de cette dernière étude, 5 988 patients ont reçu de l'empagliflozine ou un placebo pour traiter une insuffisance cardiaque de classe II-IV, avec une FEVG de moins de 40 %. Un événement cardiovasculaire est survenu chez 13,8 % du groupe empagliflozine contre 17,1 % du groupe placebo, soit une baisse de 27 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Ces médicaments ont en outre pour eux leur bonne tolérance, l'avantage d'être à dose unique (10 mg) et de ne pas nécessiter de titration.

Les nouvelles recommandations européennes ont également remis à plat la classification de l'insuffisance cardiaque. Le concept d'insuffisance cardiaque à FEVG intermédiaire a été abandonné. Les recommandations comprennent désormais trois classes : l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée ou réduite (≤ 40 %), l’insuffisance cardiaque à FEVG modérément réduite (41 à 49 %) et l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée (≥ 50 %).

« Cette approche est beaucoup plus simple », avait commenté auprès du « Quotidien » le Pr Michel Galinier du pôle cardiologie du CHU de Toulouse. « Globalement, si la FEVG est inférieure à 50 % (et sans doute à terme 55 %), les médicaments sont efficaces et permettent de réduire la mortalité, alors que si la FEVG est préservée, ils ne le sont pas », indique-t-il.

Et dans la FE préservée ?

En ce qui concerne l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée, les auteurs des recommandations notaient qu'aucun traitement n'avait, à l'époque des réunions de travail, fait preuve d'une efficacité en termes de réduction de la mortalité, « bien que des améliorations puissent avoir été observées sur certains phénotypes de patients », précisaient-ils. Seuls des diurétiques sont recommandés, en tant que traitement symptomatique. Les diurétiques de l'anse sont proposés en priorité, bien que les diurétiques thiazidiques puissent être intéressants pour prendre en charge l'hypertension artérielle, fréquente chez cette catégorie de patients.

Quelques mois plus tard, présentée lors du congrès de l'AHA, l’étude Emperor-Preserved pourrait changer la donne dans l'insuffisance cardiaque à FE préservée. Les iSGLT2 ont entraîné une baisse de 21 % du risque de décès cardiovasculaire et d'hospitalisation dans une population ayant une insuffisance cardiaque à FEVG préservée. L’effet s’est maintenu au moins un an.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Pharmacien