Le Quotidien du pharmacien.- Lors du lancement du « Ségur de la santé », vous aviez dénoncé l’absence « scandaleuse » des pharmaciens dans ce débat. Êtes-vous depuis parvenu à vous faire entendre ?
Philippe Besset.- Oui, au moment de la présentation j’avais protesté contre l’absence de porte-parole des pharmaciens et l’omission de thèmes importants tels que la prévention et le dépistage. J’ai été très rapidement entendu puisque Jocelyne Wittevrongel, pharmacienne, présidente de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) et vice-présidente de la FSPF, a été nommée parmi les quatre pilotes (1). Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a été appelée au sein du comité, et enfin nous avons été auditionnés, notamment sur les thématiques de la prévention et du dépistage. Nous avons par ailleurs envoyé notre contribution au ministère sous forme de 26 propositions. Je tiens à préciser que ce document va bien au-delà des thèmes du Ségur. Il s’agit plutôt d’un document programmatique sur l’avenir de notre profession. Nous faisons en effet plusieurs propositions concernant l'évolution du métier, le modèle économique de l'officine, la politique du prix du médicament et l'accès de celui-ci à l'ensemble du territoire. Je tiens par ailleurs à rappeler qu'il n’y a eu, pendant ce quinquennat, aucun cadrage ministériel sur ce qu’on attend de la pharmacie d’officine. L’avenant 11 s’étant ainsi inscrit dans un cadrage ministériel émis par Marisol Touraine. Aussi, j’en attends un très rapidement de la part du gouvernement, alors même que nous nous apprêtons à aborder une nouvelle donne conventionnelle.
Dans un système de soins hospitalo-centré, quelles sont, selon vous, les réformes nécessaires pour rééquilibrer les forces ?
La crise sanitaire a certes prouvé que le système était hospitalo-centré en ce qui concerne la médecine. Mais ce n’est pas du tout le cas pour la pharmacie. Nous sommes dans un système centré sur la pharmacie libérale. Et l'épisode du Covid-19 l’a prouvé. Citons à titre d’exemple, la dispensation en officine des médicaments hospitaliers pendant toute la durée de la crise. C’est d’ailleurs une mesure qui doit perdurer et que nous avons inscrite au rang de nos propositions.
Les premières discussions de ce « Ségur de la santé » font émerger l’exercice médical groupé comme la solution d'avenir en médecine de ville. Est-ce réellement une bonne nouvelle pour l’officine ?
La toute première proposition que nous émettons est de permettre des équipes de soins ouvertes, c’est-à-dire un exercice coordonné, sans une nécessaire adhésion à des structures définies telles que les CPTS, les MSP et ESP (2). Il faut lever ce verrou et repenser l’exercice coordonné autour du patient et non uniquement au travers d’une structure. Le passage par les structures, s'il est imposé, peut priver de nombreux patients des bénéfices d’un exercice coordonné. Ces contraintes concernant l’exercice médical groupé émanent de la mutualité dont on peut s’interroger, par ailleurs, sur la place qu’elle occupera dans le système de soins.
(1) En l’occurrence, pilote du groupe de travail correspondant au pilier n° 4 : « Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers. »
(2) Communauté professionnelle territoriale de santé, Maison de santé pluridisciplinaire et Équipe de soins primaires.