Comment améliorer l’efficacité du vaccin contre la grippe ? Une société de biotechnologie canadienne, Medicago, explore la possibilité d’utiliser un matériau vaccinal issu d’une plante proche du tabac appelée Nicotiana benthamiana.
L’équipe du Québec a publié dans « The Lancet » deux essais randomisés de phase 3 pour ce type de vaccins (1) − les premiers – l’un chez plus de 10 000 adultes de 18 à 64 ans, le second chez près de 13 000 personnes âgées de ≥ 65 ans. Les résultats sont encourageants.
L’idée de la biotech est d’utiliser les plantes vivantes comme bioréacteurs afin de produire une particule non infectieuse imitant le virus cible. Outre la grippe, Medicago développe différents types de vaccins à l’aide de sa technologie exclusive Proficia, y compris contre le Covid-19.
Une efficacité proche de 35,1 %
Ici, contre la grippe, si le premier essai n’a pas atteint le critère principal de 70 % d’efficacité, le vaccin a néanmoins permis de prévenir 35,1 % des maladies respiratoires dues aux souches ciblées. « En comparaison, l’efficacité vaccinale antigrippale pour la saison 2017-18 était de 15 % au Royaume-Uni, avec une efficacité très faible contre le H3N2, qui était la souche circulante majoritaire », souligne dans un éditorial (2) le Dr John Tregoning, infectiologue à l’Imperial College à Londres. Par ailleurs, le vaccin s’est révélé immunogénique, mais seule la composante H3N2 a quadruplé le taux du titre d’inhibition de l’hémagglutination.
Quant au second essai de non-infériorité chez les sujets âgés, il a mis en lumière que le vaccin est aussi protecteur que le comparateur avec une efficacité préventive relative de 8,8 %, sans préciser l’efficacité en valeur absolue de ce dernier.
Des virus H3N2 très humanisés
Quel bénéfice pourrait apporter un vaccin antigrippal produit à partir de plantes ? Alors que le vaccin peut différer des souches circulantes, en particulier pour les virus H3N2, l’éditorialiste rappelle que ces derniers sont devenus très humanisés, c’est-à-dire très compétents pour infecter les cellules humaines. Or, lors de la culture sur des œufs de poulet, le virus peut s’adapter aux récepteurs des cellules animales, ce qui peut entraîner un changement de la séquence de l’hémagglutinine antigénique utilisée pour entrer. Ainsi, l’hémagglutinine dérivée de l’œuf peut être différente de celle du H3N2 circulant, faisant que les anticorps développés contre la souche vaccinale sont moins capables de neutraliser le virus.
Pour contourner ce problème, deux techniques alternatives de production ont été mises au point : à partir de cellules d’insectes pour créer une protéine recombinante (Flubock, Protein Sciences-Sanofi) et à partir de lignées cellulaires de mammifères pour cultiver le virus (Flucelvax, Seqirus). L’un des problèmes de l’utilisation des plantes lors des pandémies est la vitesse à laquelle peut être généré le matériel, à la fois pour ce qui est du vecteur Agrobacterium et des plantes à transfecter. Mais cela ne semble pas insurmontable, Medicago ayant d’ores et déjà lancé un essai de phase 1 contre le Covid-19.
(1) B Ward et al.The Lancet, 2020. doi.org/10/1016/S0140-6736(20)32014-6.
(2) J Tregoning. The Lancet, 2020. doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32010-9.