Rien de plus étrange que cette nouvelle fronde au sein de la REM, qui ressemble fort à celle des élus socialistes en 2016, lesquels ont empêché François Hollande de se présenter à son second mandat et ont fait éclater le PS en fragments disparates qui, devant les urnes, récoltent un nombre dérisoire de suffrages. Étrange, d'abord parce que le pays attend n'importe quoi de ses dirigeants pour éliminer le virus d'une manière ou d'une autre et que les états d'âme idéologiques des députés n'intéressent personne. Ensuite, parce que le précédent des frondeurs socialistes aurait dû empêcher leur décision. Les fondateurs de ce nouveau mouvement qui ne viennent pas de la REM et ne doivent donc rien à personne, n'ont rien à perdre. Les autres, qui sont entrés dans la carrière politique grâce à Emmanuel Macron, ont un curieux sens de l'éthique : dans n'importe quelle circonstance, ce qu'ils font relève de la trahison pure et simple.
Nombre d'observateurs soulignent qu'avec le soutien constant du MoDem et d'Agir, la REM ne craint rien : elle perd d'une seule voix la majorité absolue et peut passer tous ses projets de loi avec les votes centristes. Il est néanmoins difficile de partager cet optimisme. Car le nouveau mouvement n'a rien à voir avec les votes à l'Assemblée. Il constitue un signe probant de l'existence d'une forte fraction de la population pour qui le Covid-19 n'a absolument rien changé : tout à coup, le déconfinement a encouragé la surenchère du « nous voulons vivre ! ».
C'est la CGT qui obtient d'un tribunal administratif la fermeture de l'usine Sandouville de Renault pour des « raisons de sécurité ». Message : le virus, on s'en moque. C'est la lutte finale (qui ne finit jamais). Ce sont les grognons qui veulent boire une bière avec les copains et ne cachent pas leur frustration, qui veulent bronzer sur la plage, souhaitent s'asseoir serrés les uns contre les autres sur un banc public. Privés d'un petit plaisir, ils oublient les 30 000 morts de la pandémie, la souffrance des soignants ou celle des malades ravagés par un « orage de cytokines ». S'ils n'ont pas honte d'exprimer publiquement leur infâme égoïsme, c'est parce que règne partout dans le pays ce climat de défiance, largement exacerbé par les médias, les partis d'opposition et les réseaux sociaux et parce que ceux que le virus n'a pas emportés continuent, avec la seule moitié de leur cerveau reptilien, à considérer qu'ils n'ont que des droits et jamais de devoirs.
Le parti de l'ennemi
Les morts et les malades, eux, ne partiront pas en vacances. Les députés dissidents de la REM (la majorité a perdu 27 membres depuis 2017) continueront joyeusement leur travail de sape. Il est bien possible qu'ils obtiennent de nouveaux ralliements. Dans ce cas, ils seront certains de propulser l'extrême droite au pouvoir, de couler la REM en eau profonde, de détruire Macron, ce qu'il a fait de mal et ce qu'il a fait de bien. Ils viennent de prendre le parti de l'ennemi. Or il y a dans ce pays un exécutif qui, qu'on l'admette ou non, accomplit sa tâche, a pris la mesure complète de la crise, a tout fait, et à quel prix, pour préserver les emplois, a conduit non sans courage ni maestria un confinement réussi et un déconfinement qui s'annonce bien. Ce pouvoir n'est pas seulement critiqué, il est diffamé, accusé de tous les crimes, traîné en justice comme une bande de malfaiteurs. Personne n'est obligé de dire merci, M. Macron. Personne n'est non plus obligé de déverser sur lui un torrent d'injures. Il a été élu.