Entre DPC et formation professionnelle, OPCO et ANDPC (voir notre lexique en encadré), il est très facile d'y perdre son latin. D'autant plus quand les règles évoluent et que les appellations changent. Une complexité parfois décourageante pour l'employé comme pour l'employeur, alors que l'amélioration du système français de formation professionnelle vise au contraire à dynamiser cette démarche.
Exprimer le souhait de formation.
En tant que présidente de l'Unoformation et docteur en pharmacie, Christine Caminade maîtrise parfaitement les arcanes de la formation professionnelle et du développement professionnel continu. Et avant de parler financement ou obligation, la première étape est d'analyser sa motivation et d'exprimer ses besoins en compétences : « Les entretiens annuels sont l’occasion d’exprimer ses souhaits en termes de formation professionnelle, voire d’échanger sur l’intérêt des thématiques pour l’entreprise. L’objectif, c’est d’atteindre un retour sur investissement satisfaisant, investissement qui n’est pas que financier d'ailleurs ! »
Une créature à deux têtes.
D'un côté, le droit du travail impose aux entreprises de former leurs salariés. « Ces dispositions permettent d'éviter un déséquilibre entre le niveau de compétence de l’employé et le marché du travail », explique la présidente de l'Unoformation. De l'autre, et conformément à la loi HPST de 2009, tous les professionnels de santé doivent se former selon une obligation triennale. « Selon le code de la santé publique, le DPC est une obligation pour tous les professionnels de santé », rappelle Serge Caillier, membre du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens représentant la section D et membre du bureau du Haut Conseil de l'agence nationale du DPC (ANDPC). Pour bien comprendre, le programme de DPC correspond à un ensemble d'orientations spécifiques pour les pharmaciens d’officine, les biologistes, les hospitaliers et pour les préparateurs. Un programme comporte trois actions : la formation, l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) et l'analyse de la gestion de risque. « Pour valider un programme DPC, il faut avoir validé au moins deux actions. Nous avons clôturé la première période triennale, qui allait de 2017 à 2019. Actuellement, une nouvelle période est en cours, jusqu’en 2022 », complète Christine Caminade.
La formation, une composante du DPC.
Comme le souligne Serge Caillier, le DPC ne se résume pas uniquement à de la formation : « L'évaluation et l’amélioration des pratiques professionnelles peuvent consister à remplir un questionnaire en début et suite à une formation, et à évaluer au bout de quelques mois l’impact de cette formation en termes d’amélioration des pratiques. » Cette démarche d’évaluation et d’amélioration des pratiques professionnelles, tout comme celle de la gestion des risques, peut prendre la forme d'une action interne à l'entreprise telle que l’analyse des erreurs de dispensation, suivie de la mise en place d’un système de double contrôle, et in fine, un bilan pour évaluer l'impact de cette mesure. « Attention, ce n’est pas parce qu’un organisme de formation est enregistré à l’ANDPC que les formations qu’il propose sont DPC validantes. Il faut être très vigilant sur ce point », prévient Serge Caillier.
Formation professionnelle, DPC : qui paye ?
« Pour tous les salariés de la pharmacie, l’organisme de financement est l’OPCO EP (opérateur de compétences des entreprises de proximité), qui s’appelait Actalians auparavant. Le seul changement, c’est le nom sur la porte. Que la formation choisie soit DPC validante ou non, c'est l'OPCO EP qui finance », clarifie Christine Caminade. « Le titulaire doit faire la démarche de prise en charge financière de formation auprès de l’OPCO EP, qu’elle soit validante DPC ou non. Soit la pharmacie avance les frais et se fait rembourser ultérieurement, soit elle bénéficie d’une délégation de paiement sur le principe d’un tiers payant : dans ce cas, la pharmacie n’avance rien et l'organisme de formation se fait régler directement par l’OPCO », complète Philippe Denry, vice-président de la FSPF en charge du dossier entreprise officine.
Le salarié dispose d'un autre canal de financement de formation : le compte personnel de formation (CPF), anciennement DIF. « Chaque année, le CPF est crédité d'une somme pour permettre au salarié de bénéficier de formations sur des thématiques qui lui sont plus personnelles. Dans ce cas, ces formations sont réalisées en dehors du temps de travail », indique Philippe Denry. Le CPF peut par exemple être utilisé pour une formation linguistique, si le titulaire n’en voit pas l’intérêt pour son officine. « Il revient à chaque employé de créer son compte pour utiliser la somme versée sur le CPF. Le problème actuel, c'est qu'il n’existe pas de passerelle entre les organismes qui proposent une formation DPC et les organismes qui proposent des formations financées par le CPF », souligne le conseiller ordinal Serge Caillier.
Planification de la formation.
Toute formation relevant du DPC ou du développement de compétence à la demande de l’entreprise se fait sur le temps de travail, comme le confirme Philippe Denry : « La formation validante DPC est décomptée sur le temps de travail. À défaut de pouvoir suivre cette formation sur un jour travaillé, l’adjoint bénéficiera d’un report du jour de repos, ou percevra une rémunération en heures supplémentaires. » Concernant les frais annexes, la prise en charge est variable. « Dans certains cas, le forfait formation financé par l’OPCO comprend les frais de repas et de déplacement. Dans d’autres situations, ces frais sont à la charge de l'entreprise et remboursés à l'employé sur présentation d’une note de frais », précise le représentant de la FSPF. Autre précision, si le budget OPCO n'est pas illimité, il est relativement large pour permettre à un adjoint de suivre deux à trois formations dans l'année en général. « S’il juge le nombre de demandes excessif, l’OPCO peut tout de même se rapprocher du titulaire de la pharmacie et bloquer les financements », nuance Philippe Denry.
Satisfaire les obligations de DPC.
Dans le cadre du DPC, l’allaitement ou l’aromathérapie, par exemple, n’ont pas leur place pour la branche pharmacie. « Les formations en lien avec ces thématiques ne sont donc pas DPC validantes. En revanche, elles peuvent être financées par l’OPCO EP dans le cadre de la formation continue. En résumé, pour les adjoints, l’ANDPC c’est l’obligation ; l’OPCO EP c’est le financement », résume Christine Caminade. Quant à la déclaration des actions de DPC réalisées, elle revient désormais au professionnel de santé via la plateforme de l'ANDPC (déclaration à réaliser avant le 28 février pour la période 2017-2019). « Sur le site de l'ANDPC, l’adjoint doit créer son compte et y indiquer les actions DPC réalisées, ainsi que d’autres types d’action. Ce compte, c'est un peu un coffre-fort ; on y met ce qu'on veut », note Serge Caillier. À partir de ce compte, l’adjoint peut créer un document de synthèse où n’apparaissent que les actions qu’il sélectionne et qui seront utilisées pour le contrôle de son obligation de DPC par son conseil d’appartenance. C’est ce document qui doit être envoyé à l’Ordre. « Cet envoi sera prochainement facilité par le portail de téléservice e-POP de l'Ordre », confie le conseiller ordinal.