Le mandat présidentiel prévu par la Constitution qu'ont rédigée Michel Debré et ses amis gaullistes était de sept ans, renouvelable. Le mandat américain est de quatre ans renouvelable une fois. Sous l'influence de Lionel Jospin, et malgré l'hostilité de Jacques Chirac (querelle de cohabitation), le mandat a été raccourci à cinq ans, renouvelable une fois, de sorte que les Français élisent maintenant le président de la République avant de lui accorder une majorité. Feraient-ils l'inverse qu'ils le contraindraient à cohabiter avec l'opposition dès le jour de sa prestation de serment. On a donc eu sept ans, on a cinq ans, quelle est la longueur de mandat souhaitable ? Six ans, répond Xavier Bertrand dans « le Monde », avec un argument : il faut éviter la cohabitation, donc rapprocher la durée du mandat législatif et celle du mandat présidentiel.
Cela semble dire que la cohabitation est malsaine, mais n'est-ce pas au fond ce que souhaitent ces Français dont tous les partis se réclament mais seraient épouvantés de devoir gouverner selon la volonté du peuple ? En tout cas, ce n'est pas parce que le mandat est plus long ou plus court que les inondations, les crises et les guerres n'auraient pas lieu. Derrière la réforme de fond, il y a toujours un parti-pris. M. Jospin a très mal supporté la cohabitation avec Chirac. C'est pourquoi il a voulu ajuster, avec la complicité de Valéry Giscard d'Estaing (et voilà comment les comptes se règlent dans les meilleures démocraties), la durée des deux mandats, présidentiel et législatif.
Une solution « miracle »
Ce qui nous ramène à la situation présente : ce n'est pas la longueur du mandat qui nous protègerait contre le Covid et ses effroyables conséquences sociales. La Constitution n'est pour rien dans les maheurs qui nous frappent et même si on a le droit de critiquer la gouvernance actuelle, rien ne nous garantit qu'une autre gouvernance serait plus efficace. Aussi peut-on craindre que la révision de la durée du mandat présidentiel ne soit pas autre chose qu'un gadget destiné à offrir une solution miracle à un fléau inattendu et cruel. On peut dire : je saurais juguler la pandémie, on ne peut pas dire qu'elle serait jugulée grâce à un mandat plus court ou plus long.
La proposition de M. Bertrand est sévère. Pour lui, c'est six ans non renouvelables. Il a raison sur le fait que le renouvellement du septennat a profité davantage à Mitterrand qu'à la France et n'a pas mis Mitterrand à l'abri d'une maladie atroce qui l'a certainement empêché de gouverner pendant ses derniers mois de mandat en 1995 avec toute la clairvoyance requise. Mais, dans ce cas, pourquoi pas sept ou huit ans non renouvelables ? Parce que, répond-on, il ne faut pas que le président soit un canard boîteux pendant les ultimes années de son mandat. Il perdrait de son autorité.
Quand on y pense, on devine que la durée du mandat présidentiel est l'arbre qui cache la forêt. En somme, cette question n'a aucune importance et la sévérité de la crise nous commande de ne pas nous en occuper : nous devons porter tous nos efforts sur la résolution d'une crise sans précédent, à la fois sanitaire, économique, sociale, politique, morale. On va chipoter sur les années du mandat alors que l'expérience nous a démontré qu'un bon gouvernement est celui qui sait réagir quand arrive le pire. À cette aune et au risque de plonger dans la cacophonie l'harmonieux concert des critiques, j'ajouterai cette réflexion existentielle : nous avons encore tout le temps de dresser le bilan du macronisme face à la crise. Il n'est peut-être pas aussi négatif qu'on veut nous le faire croire.