Le Quotidien du pharmacien.- Quelle est votre réaction après l'annonce gouvernementale portant sur l'élargissement des compétences des pharmaciens en matière de prescription d'antibiotiques pour l'angine et la cystite ?
Dr Luc Duquesnel.- Je ne peux que m'interroger sur la méthode. À ma connaissance, les besoins n'ont été ni identifiés, ni quantifiés, par aucune étude que ce soit. En ce qui concerne les Pays de la Loire, région où j'exerce, je peux affirmer que, sur les trois départements, aucune femme souffrant de cystite reste sans réponse médicale. Grâce aux services d'accès aux soins - SAS - et à la permanence des soins ambulatoires - PDSA - une femme aura toujours un médecin au téléphone et, au besoin, sera examinée par un médecin de son territoire. Je rappelle que dès le 1er janvier 2024, l'ensemble du territoire français, DOM-TOM compris, sera couvert par les SAS.
À l’instar de vos confrères qui qualifient cette mesure de rustine ou de cache-misère, pensez-vous que cette évolution est symptomatique de la crise de notre système de soins ?
Nous allons vers un effondrement progressif de notre système de santé qui a commencé il y a des années avec la dégradation des services hospitaliers et la fermeture des services d'urgences. Pour autant, la réponse donnée par le gouvernement n'est pas la bonne car les Français ont droit à des soins de qualité. Or cette nouvelle mesure donne l'impression que la santé, c'est binaire ! Ce qui est loin d'être le cas. En tant que médecin, je peux examiner la gorge d'un patient et s'il n'a pas de fièvre, je ne fais pas systématiquement de TROD. Mais en cas de pathologies cardiaques, je peux prescrire un antibiotique même si le TROD est négatif. La démarche est plus différenciée qu'il n'y paraît à travers cette nouvelle mesure. Sans parler de la traçabilité de l'acte qui ne sera pas obligatoirement assurée par les pharmaciens ou encore des risques médico-légaux qu'ils vont encourir. Cette évolution est incompréhensible alors que, sur l'ensemble du territoire, des protocoles ont été mis en place dans le cadre de certaines CPTS, il suffisait de les dérouler. Au lieu de cela, on va déboucher sur de l'antibiorésistance en prescrivant larga manu. Il est sûr que cet élargissement va pourrir les relations entre médecins et pharmaciens sur le terrain.
Que préconisez-vous pour éviter que ces liens interprofessionnels se rompent ?
Nous avons sur notre territoire une organisation de SISA, MSP et CPTS qui fonctionne. Il est à craindre désormais que les médecins donnent ordre à leur secrétariat de ne plus prendre d'appels de pharmaciens. C'est la rupture programmée de l'exercice coordonné entre médecins de famille et pharmaciens.
Pourtant, des pharmaciens ont fait savoir qu'ils veulent éviter la guerre et sont prêts, au sein d'une organisation territoriale, à créer et à valider des protocoles avec des médecins. Cette coordination ne peut cependant être envisagée qu'avec une certaine typologie de pharmaciens, notamment ceux des zones rurales qui veulent maintenir un lien avec les médecins. A contrario, les pharmaciens pratiquant la téléconsultation avec des télécabines au sein de leur officine risquent d'en être exclus car on remarque souvent, dans ce cadre, que la qualité des prises en charge laisse à désirer.
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