Trois mois après les émeutes urbaines qui ont émaillé les jours suivant le décès de Nahel, tué par un policier, Jean-Marc Facq, titulaire à Montataire (Oise), n'a toujours pas pu rouvrir sa pharmacie saccagée et incendiée par une bande de jeunes. Alors que la situation économique de son officine se détériore de jour en jour, mettant en péril son activité et l'emploi de six salariés, le pharmacien dénonce l'inaction de l'État.
Ce matin, Jean-Marc Facq a reçu un expert en assurances, concernant les dommages au bâtiment. C'est la quatrième fois que le titulaire de Montataire reçoit la visite d’un expert depuis le saccage de son officine dans la nuit du 28 au 29 juin. Les émeutes consécutives à la mort de Nahel, tué par un policier, avaient atteint Montataire, commune de 13 600 habitants dans l’Oise. Bâtiment incendié, stock détruit ou endommagé par la suie, matériel informatique et frigo inutilisables… Le montant du préjudice subi atteint au moins 700 000 euros. Sans compter la perte d’exploitation. En effet depuis trois mois, la pharmacie, délocalisée dans un Algéco, fonctionne au ralenti. « Là où je disposais d’une surface de 80 m2 autrefois, je n’ai plus que 10 m2 aujourd’hui. Résultat, la fréquentation a baissé de moitié », déplore le titulaire qui doit mettre en chômage technique par rotation trois de ses six salariés.
Pour le reste de l'équipe qui assure le fonctionnement de l’officine, la tâche n’est pas aisée. Les journées de travail ressemblent à un incessant ballet entre l’Algéco et le robot resté dans l’officine. « Par bonheur, le robot n’a pas été détruit. Les pilleurs ont couché le frigo devant, ce qui l’a sauvé. Sans robot, je n’aurais jamais pu reprendre mon activité », souligne Jean-Marc Facq. Mais le titulaire est loin d’être sorti d’affaire. Alors que 80 % de son stock a dû être éliminé, il a renégocié avec son grossiste-répartiteur un stock d’implantation avec échéancier. Son matériel informatique détruit a été remplacé par un équipement en leasing. Et si Jean-Marc Facq peut compter sur un banquier compréhensif, son endettement se creuse de mois en mois.
Le titulaire qui espère rouvrir son officine avant la fin de l’année, si les matériaux sont disponibles, restera confronté à deux problématiques majeures : la perte de chance qui n’est ni assurée, ni assurable, provoquée par la défection d’une patientèle « qui ne reviendra pas » et la perte d’exploitation calculée sur un chiffre d’affaires antérieur à la période Covid. Encouragé à plusieurs reprises en début d’année par son assureur de revoir à la hausse sa couverture « perte d’exploitation », Jean-Marc Facq, pris par les affaires courantes, n’avait pas eu le temps d’honorer ce rendez-vous. Il le regrette amèrement aujourd’hui puisqu’il perdra, selon ses calculs, au moins 27 % de son indemnisation perte d’exploitation. Cette expérience douloureuse incite le titulaire, qui est aussi président départemental de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), à conseiller ses confrères d’avoir des contrats en cohérence avec l’évolution de leur chiffre d’affaires.
Aujourd’hui, en l’absence de toute indemnisation, Jean-Marc Facq creuse chaque mois sa trésorerie pour payer ses salariés. Il cache mal son découragement. Il n’en veut pas aux assureurs « qui doivent régler plus de 15 600 sinistres survenus lors des émeutes de juin », mais à l’État, défaillant sur toute la ligne. De ces premiers jours d’émeutes où il a donné l’ordre à la police de ne pas intervenir, à l’absence totale de soutien aux victimes. Une injustice que supporte d’autant plus mal le pharmacien qu’il attend toujours le remboursement de la TVA du matériel racheté. Ou encore qu'il doit assurer l’avance du paiement du chômage technique de ses salariés.
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