Mardi et mercredi, deux recours ont été déposés par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) auprès du Conseil d’État. L’un contre le décret du 7 juillet relatif aux territoires fragiles. L’autre contre l’arrêté, publié le même jour, qui en précise les modalités d’application. Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, revient sur les motifs de ces recours.
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) avait deux mois pour déposer un recours auprès du Conseil d’État contre le décret et l’arrêté ministériels relatifs aux territoires fragiles, tous deux parus au « Journal officiel » du 7 juillet. Et le syndicat a déposé deux recours, les 3 et 4 septembre. Comme l’expose son président, Pierre-Olivier Variot, le syndicat a émis plusieurs motifs contre ces deux textes relatifs « aux conditions de détermination des territoires au sein desquels l'accès au médicament pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante ».
Tout d’abord, selon l’analyse du syndicat et de ses conseils, le décret (qui n’est autre qu’un texte d’application de l’ordonnance de 2018, elle-même issue de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé) « viole la loi ». « Au lieu de se contenter de définir les territoires fragiles, le texte instaure un plafond, outrepassant par ce fait la loi elle-même. De plus, s’insurge Pierre-Olivier Variot, ces plafonds définis par on ne sait quels outils - la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ayant été incapable de nous l’expliquer - entraînent une inégalité entre les régions. » Les taux mentionnés dans les textes et déterminant les seuils de populations « mal desservies en médicament » sont par conséquent « illégaux », affirme l’USPO.
Cela va même plus loin, estime le syndicat : ces plafonds constituent une violation du principe d’égalité sur le territoire pour les citoyens, mais aussi pour les pharmaciens. Un principe d’égalité pourtant constitutionnel, poursuit l’USPO qui met en cause des inégalités de traitement dans l’identification des territoires fragiles. Pierre-Olivier Variot redoute qu’in fine ces textes puissent avoir des effets paradoxaux et des conséquences économiques importantes pour certaines pharmacies ainsi qu’une rupture d’accès aux soins pour certaines populations.
Il remarque même que, sur le terrain les ARS, qui ont six mois pour se prononcer sur ces territoires fragiles, peinent à les identifier. Tout comme le syndicat qui doit être sollicité au même titre que le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens (CROP). S’il reconnaît que la notion de territoires fragiles n’est pas mauvaise sur le fond, Pierre-Olivier Variot regrette que les instances de la profession n’aient pas été écoutées lors de la rédaction des textes. De même que son objection concernant l’âge retenu dans le texte (65 ans) pour qu’un titulaire puisse bénéficier du dispositif. « Or la plupart des pharmaciens en exercice aujourd’hui partiront à 67 ans à la retraite. Qu’adviendra-t-il d’eux pendant deux ans dans ce cas ? », interroge-t-il.
C’est dire si l’enjeu de ces recours est important, affirme le syndicat. Ces textes doivent servir de base pour déterminer les officines qui pourront bénéficier de l’aide de 20 000 euros de la part de l’assurance-maladie, mais ils risquent d’être en porte à faux avec les règles à l’installation. « Un nombre de 2 500 habitants cumulés dans des communes contiguës est le critère retenu ainsi que la présence d’une commune de 2000 habitants au moins. Mais le texte ne dit pas si les autres communes ont déjà été prises en compte pour la création d’une pharmacie », pointe le président de l’USPO qui craint une déstabilisation du réseau officinal. À moins, suggère-t-il, de réactiver les cartes utilisées pour les installations et les transferts au début des années 2000…
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