Engagement, résilience et disparités. Hubert Olivier, président d’OCP, partenaire d’Interfimo, cite en observateur avisé du marché les trois marqueurs de l’année 2020. Le marché des cessions et acquisitions a en effet pu s’appuyer sur l’implication des pharmaciens dans les multiples missions de santé publique. Distribution des masques d’État – 700 millions au total -, offres en tests antigéniques et vaccination ont maintenu l’activité officinale à flot et, avec elle, la valeur des officines.
En effet, l'analyse d'Interfimo le démontre (1). Si l'excédent brut d'exploitation (EBE) est en léger retrait, à 12,4 % du chiffre d’affaires contre 12,6 % un an auparavant, une hausse de 2,3 % du chiffre d’affaires, permet de contenir, en valeur absolue, cette érosion et de maintenir le niveau de vie des titulaires (voir encadré). « Les fondamentaux restent sains, même si certaines officines ont pu bénéficier des aides de l’État (2) », se félicite Jérôme Capon, directeur du réseau chez Interfimo. Cette constance a son importance puisque la valorisation de l’officine se fonde sur son EBE, en tant qu’indicateur essentiel de sa rentabilité. Pour résumer, en sauvant son activité, ou tout au moins en la protégeant des aléas de la pandémie, le titulaire est parvenu à garantir la valeur de son fonds.
Une prédilection pour les centres commerciaux
Aussi, à première vue, 2020 ne se distingue en rien des années précédentes. Le prix moyen de cession en multiple de l’EBE reconstitué est de 6,3 et renoue même avec le niveau de 2017. Cette stabilité moyenne ne doit cependant pas occulter les importantes disparités au sein du marché. Car cette légère hausse de 0,1 point enregistrée par rapport à 2019 est portée par les prix de cessions des officines réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 2 millions d'euros. La prime à la taille, tendance observée depuis quelques années, n’a fait que s’accentuer. « La légère tendance inflationniste est due au prix des officines d’un chiffre d’affaires de 2 à 2,4 millions d’euros qui a pris 0,4 point au cours de l’année 2020 », note Jérôme Capon.
À l’autre bout de l’échelle, les officines plus petites, au chiffre d’affaires situé entre 1,2 et 1,6 million d’euros, voient leur prix moyen s’infléchir de 0,2 point. Sur le terrain, l’implantation est plus que jamais un critère. Les pharmacies de centres commerciaux se sont cédées à 7,7 fois l’EBE, bénéficiant d’une hausse de 0,5 point. Une évolution qui peut paraître paradoxale alors que les mesures sanitaires ont conduit à la fermeture de certains centres commerciaux. Selon Interfimo, ces événements ont cependant peu influencé un marché en tension. « Il est difficile pour ce segment de se référer à des critères économiques. Ce phénomène à la hausse résulte avant tout d’une offre inférieure à la demande de cette typologie de pharmacies », analyse Jérôme Capon.
Les autres typologies d'officine n’ont cependant pas dit leur dernier mot. Car si leur prix ne connaît que des variations minimes, « la tendance pourrait s’inverser, après cet exercice, au regard des performances en 2020 des pharmacies rurales et de quartier dont la fréquentation a été renforcée pendant la crise sanitaire », relèvent les experts d’Interfimo. De fait, Jérôme Capon en souligne les premiers frémissements. Car, ramené au chiffre d’affaires, le prix moyen d’une officine rurale a augmenté de 3 points (80 % du chiffre d’affaires contre 78 % en moyenne nationale). « Un prix correct, signe que l’on peut vivre correctement avec une pharmacie rurale », observe-t-il.
58 % de primo-accédants
C’est donc sur des fondamentaux sains, bénéficiant de taux d’intérêt faibles et muni de dispositifs d’aides tels que celui d’OCP (voir sous-papier) que le marché des mutations (cessions de fonds et cessions de parts) a pu évoluer en 2020. Les aléas de la crise sanitaire n'ont pas découragé les candidats : 1 503 transactions ont été réalisées, soit 1 % de moins qu’en 2019. Comme l’année précédente, les cessions de parts ont le vent en poupe (+ 5 %). Cette tendance révèle à la fois une appétence pour les pharmacies plus importantes et la transmission de pharmaciens partant à la retraite aux plus jeunes.
Concernant ces derniers, les premières installations ont constitué 58 % des dossiers étudiés par Interfimo au cours de l’année, contre 56 % en 2019. La pharmacie fait encore envie et c'est sans aucun doute l’un des secteurs d’activité les plus résilients au cours de cette première année de pandémie. Cette dynamique n’en reste pas moins à surveiller de près. Car certains indicateurs laissent entrevoir des signes de fragilité. L’activité officinale dopée en 2020 par les ventes de masques, ainsi que par la réalisation de tests antigéniques et de vaccins anti-Covid, résistera-t-elle à la sortie de crise sanitaire qui, inévitablement, fléchira ces missions ? Certes, Hubert Olivier voit dans le vaccin anti-Covid une opportunité puisque l’officine, qui réalise déjà 30 % des injections, détiendra selon lui 70 % du circuit de la vaccination à partir de septembre. Pour autant cette mission suffira-t-elle à compenser la baisse des ventes en OTC – inédite en Europe - et des pathologies aiguës observée au cours de ce premier semestre ? Rien n'est moins sûr.
Autre artifice contribuant à relativiser la hausse de l’activité officinale, la croissance des ventes de médicaments chers, observée depuis trois ans, qui n’influe en rien sur la marge. Voire qui peut la détériorer tant que cet accroissement factice du chiffre d’affaires oblige à recruter un adjoint (3).
Plus que jamais, ces variables seront à prendre en considération dans la valorisation des fonds. Comme le reconnaît Jérôme Capon, « cette analyse requiert une approche fine, une étude approfondie de la composition du chiffre d’affaires et de la marge. Il faudra par ailleurs évaluer la capacité de ces différentes composantes à perdurer dans l’économie officinale ».
(1) Étude Interfimo « Prix de cessions des pharmacies Édition 2021 » https://bit.ly/3gsZ6sX
(2) 70 ouvertures de mesures collectives contre 116 en 2019. Les mesures de sauvegarde ont baissé de 47 %, les redressements de 42 % et les liquidations judiciaires de 37 %.
(3) Ce mode de calcul est appelé à disparaître en 2022.
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