À septembre 2023 et sur douze mois, les ventes de préservatifs en pharmacie avaient bondi de 12,5 % en volume (IQVIA Pharmastat), un effet probable des mesures facilitant l'accès des jeunes à ces moyens de contraception et de protection. En effet, depuis janvier 2023, les préservatifs inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) sont pris en charge à 100 % sans prescription médicale pour les moins de 26 ans, sur présentation de la carte Vitale (pour les mineurs, une simple déclaration sur l'honneur justifiant de l'âge et de la qualité d'assuré social suffit). Ils sont pris en charge à hauteur de 60% sur prescription d'un médecin ou d'une sage-femme pour les plus de 26 ans.
Dans ces conditions, les marques Eden (Majorelle), Sortez couverts (Polidis), Be loved (Antoine Health Care), Sure & Smile (Terpan) sur le segment des préservatifs masculins et les marques So Sexy & Smile (Terpan) et Ormelle (Sugant), pour les préservatifs féminins, peuvent être délivrées gratuitement. Une mesure qui a permis aux ventes de préservatifs remboursables de bondir dans les premiers temps suivant l'annonce. « Au mois de janvier 2023, les ventes de la gamme Sortez Couverts ont été multipliées par huit », se souvient Patrick Pisa, fondateur du laboratoire Polidis et de la gamme Reflex Condoms. À fin mars, l'envolée avait réduit de moitié avant de voir les chiffres se stabiliser. « Au final, la gamme Sortez Couverts a quand même doublé ses ventes en 2023. » Neuf mois plus tard, l'effet d'annonce aurait-il perdu de son impact ? Sur un an, à septembre 2024, les ventes de préservatifs en pharmacie s’infléchissaient de presque 2,5% en volume, progressant de 2% en valeur (IQVIA Pharmastat). « Aujourd'hui, les préservatifs remboursables, essentiellement vendus en boîtes de 24, représentent 20% des ventes en volume. »
Nombreux freins
Selon l'Assurance maladie, près de 500 000 boîtes de dispositifs auraient été remboursées de janvier à mai 2024 (pour 1,9 million d'euros), en recul de 10,4% comparé à la même période en 2023. « La gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans est mal connue du public », poursuit Patrick Pisa. Or le prix des dispositifs pourrait jouer un rôle majeur sur le marché. « À son lancement en 1992, l'opération "Sortez couverts" qui proposait le préservatif à un franc, avait provoqué une envolée des ventes. »
Aujourd'hui, le facteur prix ne pèse sans doute pas moins dans le processus d'achat du dispositif, notamment aux yeux des jeunes générations particulièrement impactées par l'inflation. Le manque d'information et les idées préconçues sur les IST menacent aussi cette catégorie de la population. « Les jeunes pensent que le VIH n'est plus une maladie grave, que les traitements existants permettent d'en guérir », alerte Alexandra Guérin, responsable qualité et affaires réglementaires chez Terpan. « Certains estiment même qu'une bonne hygiène intime ou la contraception orale évitent d'être infecté ! » Des déclarations inquiétantes si l'on considère l'augmentation des infections VIH, à Chlamydia trachomatis, des gonococcies et de la syphilis constatée ces dernières années et jusqu'en 2022 (Bulletin de santé publique VIH-IST, 11/2023). « Selon l'OMS, 30% des jeunes n'étaient pas protégés lors de leur dernier rapport alors que la prévention des IST passe principalement par l'utilisation du préservatif. » Présent sur les segments masculin et féminin du marché, Terpan propose, sous la marque So Sexy & Smile, un préservatif féminin sans latex composé d'une gaine, d'un anneau externe et interne. « Il s'adapte à toutes les morphologies, est confortable pour l'homme, sécurisant et peut se poser 8 heures avant le rapport », rappelle Alexandra Guérin en insistant sur les actions Terpan menées à l'officine afin de renforcer l'information sur le dispositif féminin. « Il faut mieux communiquer à ce sujet car aujourd'hui les campagnes d'éducation bénéficient surtout aux préservatifs masculins. » Ce qui n'empêche pas les préjugés quant à leur utilisation, difficulté de mise en place, fragilité, baisse des sensations… Une méfiance que le pharmacien peut désamorcer par un conseil adapté. La diversité des références que présente l'offre au masculin (Durex chez Reckitt Benckiser Healthcare, Eden Gen chez Majorelle, Manix/Skyn (Lifestyles Healthcare) distribués par Cooper, Protex Condoms chez Radiatex…) est un autre élément à mettre en avant : modèles texturés, parfumés, ultra-fins, extra-larges, à effet retard, sans latex… « Les modèles plus sophistiqués – Égérie, Ultra Plus, Magnum XXL, Circum'Size pour les hommes circoncis de la gamme Reflex Condoms – correspondent à une population plus mature mais les références standards sont des produits tout aussi qualitatifs et même, concernant Sortez Couverts, plus rentables pour l'officine », souligne Patrick Pisa.
Un volume flat
Les ventes de lubrifiants à usage intime (Mucogyne gel vaginal, Durex Sensilube, Monasens gel lubrifiant, Replens gel dose, Saforelle Lubrifiant, Hydralin Lubrifiant, gels lubrifiants Manix/Skyn…), pour leur part, stagnent en volume pour un chiffre d’affaires qui progresse de 4,5 % (IQVIA Pharmastat) sur un an. Une tendance à la valorisation du segment qui n‘étonne pas Patrick Pisa : « Ces formules ont un prix certain, compris entre 5 et 10 euros en pharmacie ». Chez Polidis, le lubrifiant relève du champ de la santé et appartient à une catégorie de produits dont la demande a évolué au fil du temps. « Longtemps associé à la communauté homosexuelle, le gel lubrifiant a été en premier lieu surtout utilisé par les femmes en période de post-partum pour hydrater et lubrifier la zone intime. Par la suite, il a intéressé un public plus large notamment grâce à l’émergence de produits à caractère érotisant, plus axés sur les sensations que peuvent produire certaines formules ». Arômes, effet chauffant ou refroidissant, texture soyeuse, durée de la lubrification sont quelques-unes des revendications affichées par les gammes de gels à vocation plaisir. Mais ces produits ont, avant tout, un autre intérêt. « Le lubrifiant doit accompagner le port du préservatif pour en faciliter l’usage, surtout à partir d’un certain âge où la sécheresse vaginale est plus fréquente. Il permet aussi de réduire les risques d’éclatement du dispositif de protection », rappelle le fondateur de Polidis. Un détail qui n’en est pas un si l’on considère l’évolution du nombre de découvertes de séropositivité pour le VIH qui a progressé de 12 % sur la période post-Covid (mais reste inférieur à 2019), concernant 5 500 cas en 2023 (vih.org) sachant qu’environ 24 000 personnes en France (sante.gouv.fr) ignorent leur séropositivité.
Conseils d'expert…
Dr Ludovic Kabla, pharmacien titulaire à la pharmacie du Ranelagh, Paris XVIe
Le Quotidien du pharmacien. – Quels conseils de base peut-on dispenser lors d'un achat de préservatif ?
Ludovic Kabla. – Il faut garantir une protection optimale en tenant compte des besoins et préférences de chacun : en termes de taille, un préservatif ne doit pas être trop serré ou trop lâche car il y a risque de rupture ; en cas d'allergie au latex, il existe des options en poly isomère ou polyuréthane. La finesse, la lubrification, l'effet, la couleur, l'arôme peuvent aussi être des critères de choix. Rappelez de bien vérifier les dates de péremption, garantissant élasticité et résistance, de contrôler l'intégrité de l'emballage avant utilisation et de conserver les préservatifs loin des poches ou portefeuilles qui peuvent les altérer.
Quels produits proposer en conseil associé ?
Tous ceux qui peuvent favoriser le confort et la sécurité : les lubrifiants à base d’eau ou de silicone (pas d'huile) sont recommandés afin de réduire les frottements. Les compléments alimentaires, à base de maca pour booster l'énergie ou de ginseng aux effets revitalisants, stimulent la libido. Le Tribulus Terrestres et la L-arginine, un acide aminé qui favorise la circulation sanguine, peuvent aider à une meilleure performance. Le zinc et les vitamines B (notamment B6) jouent un rôle dans le métabolisme hormonal.
Quels messages de protection délivrer ?
Il est crucial de sensibiliser le public à la protection contre les IST et les grossesses non désirées. Certaines infections (chlamydia, papillomavirus, VIH) peuvent passer inaperçues mais ont des conséquences graves pour la santé. Rappelez aussi que le vaccin contre le HPV protège contre les formes les plus courantes et dangereuses car les préservatifs ne suffisent pas toujours.
Propos recueillis par A.-S. P.
Le leader à la loupe
Le site www.durex.fr a conçu un système de pictogrammes permettant au visiteur d’orienter son choix de préservatif en fonction de la largeur, la lubrification et l’épaisseur recherchée parmi les 16 références de la gamme.
Parts de marché des principaux leaders*
Reckitt Benckiser Healthcare : 45,1%
Majorelle : 26,6%
Cooper : 25%
*En valeur, CMA à septembre 2024 (IQVIA Pharmastat)
Le chiffre
16,8‰, c'est le taux de recours à l'IVG enregistré en France en 2023 chez les femmes de 15 à 49 ans contre 16,2‰ en 2022 (Drees).
Le marché des préservatifs*
3 228 652 boîtes vendues, -2,4%
19 491 185 euros, +1,9%
*En pharmacie, CMA à septembre 2024 (IQVIA Pharmastat)
La gestion des indus à l’officine serait-elle la mission de trop ?
Substitution
Ouverture de 6 nouveaux groupes génériques, dont un antiépileptique
Exercice professionnel
Conventions avec les opérateurs de tiers payant : un manque à gagner pour les pharmaciens ?
Vaccination
Le vaccin contre le zona Shingrix (enfin) remboursé