Returpen, une seconde vie pour les stylos préremplis

Par
Publié le 12/01/2023
Article réservé aux abonnés

Le projet est suffisamment prometteur pour avoir bénéficié de l’accompagnement de France Expérimentation, ce service interministériel destiné à lever les blocages juridiques entravant les idées innovantes. Le recyclage des stylos préremplis commence dans quatre régions françaises expérimentatrices grâce à la filière créée par Novo Nordisk : Returpen.

Stylos injecteurs sur le site de production Novo Nordisk d’Hillerød au Danemark

Stylos injecteurs sur le site de production Novo Nordisk d’Hillerød au Danemark
Crédit photo : DR

Depuis deux ans, le groupe danois Novo Nordisk a mis en place une filière de recyclage de ses stylos préremplis au Danemark. Une initiative qu’il a réussi à exporter au Royaume-Uni et au Brésil. En France, un blocage juridique empêchait ce projet de voir le jour : depuis 2009, tout médicament non utilisé (MNU) doit être détruit par incinération.

Après un an et demi de travail et d’échanges avec les services ministériels concernés, grâce à l’intermédiation de France Expérimentation, le blocage juridique a été levé par le biais d’une dérogation. Celle-ci a pris la forme d’un décret paru le 14 septembre dernier au « Journal officiel » autorisant une expérimentation d’une durée maximale de cinq ans à compter du 1er septembre 2022, dès lors que la matière recyclée n’est pas utilisée pour la fabrication de médicaments ou de dispositifs médicaux. Ce texte a été suivi par deux arrêtés, l’un paru le 26 novembre concernant les modalités d’inscription à l’expérimentation, l’autre le 2 décembre autorisant Novo Nordisk à participer à cette expérimentation. D’autres laboratoires producteurs de stylos préremplis peuvent candidater à l’expérimentation.

Le recyclage des stylos préremplis de Novo Nordisk, Returpen, peut donc officiellement commencer dans quatre régions françaises : le Centre-Val de Loire, les Hauts-de-France, l’Île-de-France et la Normandie. Concrètement, les patients utilisant ces stylos en autotraitement, dans ces régions, pourront les rapporter après utilisation (et après en avoir retiré l’aiguille) à leur pharmacien ou les envoyer par voie postale. Toutes les officines qui le souhaitent peuvent participer. « Un tel projet ne peut voir le jour sans des acteurs de santé engagés dès le début. Les premières pharmacies du programme Returpen sont celle d’Alphega Pharmacie », annonce Étienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France. Dans les régions concernées, ce sont 200 officines Alphega qui vont inaugurer Returpen, précise Sophie Rey, la directrice du réseau. « Nous accompagnons nos adhérents pour qu’ils puissent s’engager dans le programme et sensibiliser leurs patients. »

La piste recyclable

Le pharmacien qui s’inscrit dans le programme reçoit un kit de présentation et de sensibilisation au programme (brochures, affiches, posters), des pochettes à remettre aux patients et un container de 25 litres pour stocker les pochettes rapportées par les patients. Une campagne de communication est déployée dans les pharmacies participantes par le biais d’affiches, ainsi que sur les réseaux sociaux et dans la presse, grâce à des slogans tels que « Désormais mon stylo prend la piste recyclable » ou encore « Votre pharmacien fait le plein de stylos vides ». L’objectif à deux ans : un taux de récupération de stylos préremplis de près de 30 %, soit 1,4 million de stylos sur les 5 millions utilisés dans les quatre régions. Au Danemark, où le programme est devenu national en février dernier, le taux de retour s’établit autour de 20 %.

Mais que deviennent ensuite ces stylos collectés ? Stockés dans un premier temps à Chartres ou Orléans, ils sont ensuite expédiés chez un prestataire norvégien installé au Danemark, Zirq Solutions. Celui-ci écarte les stylos qui ne font pas partie du programme, qui reprennent alors le chemin classique d’élimination des MNU. « Ce n’est pas parce que ce sont les stylos d’autres firmes qu’ils sont écartés, mais parce que nous n’avons pas fait les mêmes choix de plastique lors de la conception de nos stylos, le traitement pour recyclage peut donc être différent », explique Étienne Tichit. Zirq Solutions broie ensuite les stylos et cartouches puis les débarrasse de tout résidu médicamenteux grâce à un procédé industriel qu’il a spécifiquement mis en place. À terme, le laboratoire espère qu’une telle technologie de recyclage va se développer en France afin d’éviter le transport des stylos utilisés au Danemark et ainsi optimiser encore les gains de CO2.

120 stylos recyclés = une chaise !

« Les stylos Novo Nordisk sont constitués de 77 % de plastique, puis de verre, métaux, silicone et caoutchouc. Jusqu’à 85 % de nos stylos sont recyclables. Un stylo injecteur recyclé c’est 10,6 g de CO2 économisés. Le potentiel d’économie pour les 4 régions de l’expérimentation est donc de 53 tonnes de CO2 », détaille Étienne Tichit. Pour la suite, le groupe pharmaceutique a conclu un accord avec des marques danoises de design de mobilier. 120 stylos recyclés = une chaise ! Et le verre est réemployé pour la fabrication de globes de lampes. D’autres filières de valorisation sont à l’étude. « Nous aimerions que nos stylos redeviennent des stylos mais nous n’avons pas cette capacité pour le moment, notamment parce que nous utilisons un plastique à faible impact carbone qui présente une recyclabilité limitée. » Et Olivier Hébrard de souligner : « Le décret qui porte la dérogation et permet cette expérimentation exclut l’utilisation de la matière recyclée pour la fabrication de médicaments ou de dispositifs médicaux. Au regard des résultats de l’expérimentation, il n’est pas exclu que cela évolue. »

Novo Nordisk produit la moitié de l’insuline au niveau mondial et 600 millions de stylos injecteurs jetables chaque année, dont 25 millions sont destinés au million d’utilisateurs français. Les coûts de cette filière sont intégralement supportés par le laboratoire danois. « Nous considérons que cela relève de notre responsabilité, et non de celle du patient, du pharmacien ou du système de santé. » Le groupe travaille actuellement à la mise en place de Returpen aux États-Unis, au Japon, en Chine, en Allemagne et en Italie.

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien