Le fardeau de l’antibiorésistance ne cesse de s’alourdir. À son actif : 700 000 morts par an. Et si rien n’est fait, ce fléau pourrait être responsable de 10 millions de décès par an d’ici à 2050. Pour y faire face, deux défis se posent : découvrir de nouveaux agents antibactériens et s’atteler au bon usage des antibiotiques. C’est sur ce second défi que l’Association pour le bon usage du médicament (ABUM) se focalise. « C’est par la coopération entre les différents acteurs de la chaîne du médicament que tous ensemble nous pourrons faire bouger les lignes », assure son président, Éric Baseilhac.
Pour objectiver la problématique en France, la start-up Défimédoc a interrogé ses 2 000 pharmaciens adhérents : 77 % d’entre eux affirment qu’ils ont chaque jour entre les mains des ordonnances d’antibiotiques prescrits dans un contexte viral ; et 50 % se tournent vers le prescripteur pour envisager une modification (de molécule, de durée de traitement, de posologie, etc.). Des réponses qui n’étonnent pas Grégory Emery, directeur général adjoint de la Santé, au vu des données françaises sur le sujet. « D’une part, on compte 125 000 patients atteints d’une infection à bactérie multirésistante tous les ans et 5 500 décès, d’autre part, on sait que la moitié des antibiothérapies prescrites aujourd’hui sont inutiles ou inappropriées. Pourtant, depuis 1990, on a en France des politiques identifiées axées sur la prévention et le contrôle des infections, ainsi que sur le bon usage des antibiotiques. »
Triple épidémie
Certains outils, comme le TROD angine, restent sous-utilisés, quand d’autres, tels les TROD combinés, ne demandent qu’à être déployés. C’est en tout cas l’une des leçons de l’expérimentation menée par la CPTS Nord-Aisne, constituée en pleine crise du Covid et qui regroupe désormais 100 professionnels de santé et du secteur médico-social, 36 communes et 28 000 habitants. « En mars 2022, on a pu bénéficier de TROD multiplexes Covid-grippe (duo) et Covid-grippe-VRS (triplex) à titre expérimental en avant-première », explique son président et médecin, Jean-Michel Ducrocq. Fournis par la société AAZ, ils ont d’abord été utilisés par deux médecins de la CPTS sur leurs patients symptomatiques. Leur retour est excellent : facilité d’utilisation, rapidité du résultat, bonne acceptabilité du test y compris chez les tout-petits, amélioration du diagnostic et donc de la prescription, aide à la pédagogie…
L’ensemble des médecins et pharmaciens du territoire s’empare donc de ce nouvel outil, qui est parfaitement maîtrisé quand la triple épidémie déferle en fin d'année dernière. « Habituellement les épidémies se succèdent, cette co-circulation des virus est totalement nouvelle. Grâce aux tests multiplexes on s’est très vite rendu compte de cette triple épidémie et nous avons porté le message à tous les professionnels de santé, en même temps que nous étions confrontés à des tensions d’approvisionnement en antibiotiques », se souvient Jean-Michel Ducrocq.
Protocoles de coopération
Réactif, le bureau de la CPTS mène trois actions de front : un rappel des recommandations de prescriptions d’antibiotiques aux médecins généralistes, associé à une incitation à utiliser les TROD multiplex ; une sensibilisation à l’usage des TROD angine avec des ordonnances spécifiant soit le résultat du test, soit une délivrance de médicaments uniquement si un test réalisé en pharmacie est positif ; un appel à des prises en charge plus précoces pour limiter l’usage des antibiotiques grâce à la mise en place de protocoles de coopération basés sur le principe de tester-traiter. « Aujourd’hui ces protocoles existent pour l’angine et les infections urinaires : on identifie, on teste, on traite. On peut imaginer que demain cela se fasse pour la grippe, le Covid et d’autres agents anti-infectieux. Une prise en charge plus précoce permet de réduire la transmission et le risque de surinfection, et donc de limiter l’utilisation d’antibiotiques », souligne Guillaume Racle, pharmacien et cofondateur de la CPTS Nord-Aisne.
Il faut pour cela des outils sûrs et efficaces qui s’intègrent dans la pratique quotidienne, ce qui est le cas des tests multiplex. La preuve, selon Guillaume Racle, « l’adhésion a été totale et nous avons été débordés par les commandes de TROD ». Cette réussite de terrain n’a pas échappé au DGS adjoint. « Nous allons revenir vers vous avec une stratégie pour faire face à l’hiver, nous allons voir si d’autres TROD comme les triplex grippe-Covid-VRS peuvent être pris en compte dans l’arsenal. » D’ici là, l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) sur la prise en charge des TROD combinés aura peut-être abouti.
D’après une conférence de l’ABUM le 11 mars dernier au salon PharmagoraPlus.
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