Où en est la 5e vague épidémique qui déferle sur la France ?
« Ces derniers jours on parle beaucoup du nouveau variant Omicron, mais la forte croissance épidémique en France est liée au variant Delta », relève Yazdan Yazdanpanah. Selon Santé publique France, le nombre de contaminations quotidiennes dépasse désormais les 30 000, plus de 10 000 personnes sont hospitalisées pour Covid, dont plus de 1 800 en soins critiques. « L’augmentation du nombre d’hospitalisations est beaucoup plus faible que lors des vagues précédentes grâce à la vaccination, mais il y a bien une augmentation », ajoute-t-il. Les effets de la vaccination se font aussi sentir sur le profil des malades hospitalisés, souligne Karine Lacombe. « Auparavant nous avions des patients avec et sans facteur de risque qui passaient en réanimation et qui décédaient. Aujourd’hui, 80 % des personnes qui arrivent à l’hôpital ne sont pas vaccinées et ce sont majoritairement ces personnes qui passent en réanimation et qui décèdent. Les 20 % de patients vaccinés qui arrivent à l’hôpital ont des facteurs de risques et ont eu une 2e dose assez éloignée de l’infection. »
Que sait-on du variant Omicron ?
Les connaissances sur ce nouveau variant sont encore limitées mais ses multiples mutations inquiètent les chercheurs qui lui prédisent un « potentiel de propagation très rapide » et même d’échappement immunitaire. « L’évolution de l’épidémie va dépendre de l’émergence de nouveaux variants comme Omicron, qui semble plus transmissible mais pour lequel nous ne disposons pas encore d’informations scientifiques solides. On ne sait pas s’il est associé à des formes graves ou s’il peut remettre en cause l’efficacité des vaccins, voire de certains traitements », explique Dominique Costagliola. De plus, ajoute Yazdan Yazdanpanah, ce variant a émergé en Afrique du Sud à un moment où le taux d’incidence était bas, rien ne dit que son émergence en Europe, où l’incidence est haute, sera comparable.
La dose de rappel est-elle bien nécessaire ?
« Des données solides montrent que l’efficacité vaccinale diminue avec le temps, non seulement chez les personnes à risque mais chez tout le monde, avance Karine Lacombe, qui salue l’extension de la dose de rappel à tous les majeurs, même si je pense que cela arrive un peu tard. » D’après l’infectiologue, la dose booster permet d’éviter des hospitalisations, elle diminue la durée des symptômes et l’importance de la réplication virale, « on peut donc penser qu’elle pourrait diminuer la transmission ».
Un test mesurant un taux d’anticorps élevé six mois après vaccination permet-il d’échapper à la dose de rappel ?
« À part comparer ses taux d’anticorps pour voir si on en a plus que le voisin, ces tests ne servent à rien, sauf à dépenser de l’argent », lâche Dominique Costagliola. En effet, détaille-t-elle, « vous pouvez avoir un taux d’anticorps assez bas et avoir une bonne réponse immunitaire, et inversement. On utilise ces tests dans la recherche justement parce qu’on veut savoir s’il y a un corrélat entre le taux d’anticorps et le niveau de protection, et à ce jour on ne le sait pas, mais dans la vie quotidienne ça n’a aucun intérêt ».
Peut-on encore convaincre les près de 6 millions de non vaccinés ?
Même si le bilan mensuel de novembre, à 760 000 premières injections enregistrées, est bien loin du pic de mai (10 millions), cela signifie que plus de 25 000 Français ont reçu leur première dose vaccinale chaque jour du mois écoulé. L’effort doit se poursuivre. D’abord parce que si l’efficacité vaccinale baisse après 6 mois, les personnes vaccinées « restent toujours beaucoup plus protégées que les non vaccinés », observe Dominique Costagliola. Ensuite parce que les non-vaccinés ne sont, dans leur majorité, pas opposés au vaccin. « Quand je questionne les personnes non vaccinées hospitalisées dans mon service, elles me disent avoir sous-estimé l’importance de l’infection, beaucoup de personnes âgées attendaient que leur médecin les contacte et d’autres sont en situation de vulnérabilité (migrants). Il y a encore des efforts à faire dans la stratégie de l’aller vers », estime Karine Lacombe.
La révision à la baisse de l’efficacité du molnupiravir par son fabricant remet-elle en cause son utilisation ?
Merck a annoncé le 26 novembre que l’efficacité de son antiviral oral sur les formes graves n’était plus de 48 % mais de 30 %. Les résultats complets des essais cliniques ne sont actuellement pas disponibles, sauf pour les autorités sanitaires qui évaluent le produit. « Il est impossible de se prononcer sur des données parcellaires diffusées par communiqué de presse et donc de dire si le traitement est efficace et s’il va être utilisé à grande échelle », expose Karine Lacombe. De son côté, Dominique Costagliola juge que les antiviraux oraux, tels que le molnupiravir ou Paxlovid, vont nécessiter une organisation au cordeau pour pouvoir être délivrés dans les 5 jours après l’apparition des premiers symptômes, alors qu’actuellement, « en France les gens se font tester en moyenne 2,2 jours après le début des symptômes ».
Quels sont les autres traitements disponibles ?
« Les immunomodulateurs nous permettent de prendre en charge des patients hospitalisés avec des formes graves, ils diminuent la mortalité mais n’ont évidemment aucun impact sur la dynamique de l’épidémie », détaille le Pr Lacombe. S’y ajoutent des anticorps monoclonaux indiqués chez les personnes à risque de forme grave, lorsqu’elles ont des symptômes modérés ou qu’elles sont cas contact ou encore en prophylaxie en cas d’échec de la vaccination. L’infectiologue regrette leur sous-utilisation en raison du lourd protocole pour y accéder qui décourage la médecine de ville. Mais le traitement de choix reste bien, pour Dominique Costagliola, le vaccin dont l’efficacité est beaucoup plus élevée que tous les traitements disponibles. « Les médicaments restent indispensables, on en a besoin, mais la première démarche à favoriser c’est la vaccination. »
Quelles sont les mesures les plus efficaces face à l’épidémie de Covid-19 ?
La fermeture des frontières est de faible utilité lorsque le virus circule beaucoup. « Cette mesure est utile lorsque le taux de reproduction du virus est inférieur à 1. Le plus pertinent reste l’isolement strict des personnes qui arrivent », indique Dominique Costagliola. L’une des mesures phares est sans nul doute la vaccination mais elle doit être combinée avec d’autres. Face à une transmission par aérosols, il faut ajouter le port du masque dans les espaces clos, y compris dans les endroits où le passe sanitaire est exigé, ainsi que la mesure du CO2 et l’aération ou la filtration de l’air. Enfin, favoriser le télétravail réduit le nombre de personnes sur le lieu de travail et dans les transports en commun, c’est donc « moins d’endroits où les gens se concentrent et moins d’occasions de transmettre ou d’attraper un virus ».
Comment contrôler l’épidémie dans les écoles ?
« La question se pose principalement pour les écoles élémentaires, maternelles et les crèches, souligne Dominique Costagliola. C’est logique, ce sont les endroits où il y a la plus grande proportion de non vaccinés. » Or, remarque l’épidémiologiste, le taux d’incidence dans les écoles est particulièrement élevé et dépasse les 1 000/100 000 dans huit départements. Ce n’est donc pas le moment d’alléger le protocole des fermetures de classe, à moins de vouloir donner « une excellente opportunité au variant Omicron, s’il est plus transmissible, de se répandre rapidement dans l’ensemble de la population ». Elle recommande plutôt de réaliser des tests répétés (et non pas réactifs après un cas) pour contrôler l’épidémie.
Les enfants sont-ils une population à moindre risque de Covid ?
Moindre risque ne veut pas dire zéro risque, insiste Dominique Costagliola. « À la date du 29 novembre en France, il y avait 69 enfants de 0 à 9 ans hospitalisés et 53 de 10 à 19 ans. Depuis le début de l’épidémie, s’il n’y a eu que 13 décès chez les 0-19 ans, il y en a eu 9 depuis mi-juin et 3 dans les 10 derniers jours. Et je ne parle pas des séquelles à long terme. » De plus, une étude en prépublication du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) sur 10 pays européens (hors France) montre que le nombre d’enfants hospitalisés pour Covid-19 est, certes, faible, mais surtout que « 83 % des enfants hospitalisés n’avaient aucun facteur de risque ».
Doit-on vacciner les 5-11 ans contre le Covid-19 ?
Pour Dominique Costagliola, cette vaccination doit être rendue possible en France maintenant que l’Agence européenne du médicament (EMA) a rendu un avis positif pour la version enfant du vaccin anti-Covid de Pfizer-BioNTech et que la Haute Autorité de santé (HAS) la recommande pour les enfants à risque, « avec une définition assez élargie de ce qu’elle appelle à risque ». La HAS doit encore mener des consultations car les sociétés savantes peinent à adopter une position commune sur le sujet. Aux États-Unis, où plus de 3 millions d’enfants de 5 à 11 ans ont déjà reçu leur première dose, « il n’y a eu, à ma connaissance, aucun cas de myocardite déclaré et pas de signal nouveau ».
Omicron, comme Bêta, a été découvert en Afrique du Sud. L’Afrique est-elle un réservoir à mutations ?
« Que ce soit le Delta ou l’Omicron, ce sont des variants qui émergent dans des populations non vaccinées, où le virus se multiplie longtemps à bas bruit, dans des pays qui comptent beaucoup d’immunodéprimés. Tous les continents ont une couverture vaccinale d’environ 65 %, sauf l’Afrique où elle est de 10 %. Or l’avenir de l’Europe comme du monde entier ne se jouera pas sans l’Afrique », explique le Pr Lacombe. Et le Pr Yazdanpanah d’ajouter : « Nous sommes face à une pandémie qui touche le monde entier. C’est pourquoi les mesures à mettre en place pour stopper l’épidémie, notamment l’amélioration de la couverture vaccinale, doivent concerner tous les pays. »
* Réponses issues de la table ronde « Perspectives d’évolution de l’épidémie de Covid-19 », organisée le 30 novembre au Sénat, par la mission commune d’information évaluant les mesures de confinement ou de restrictions d’activités.
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