Nouvelle rémunération

Reprise des négociations sur fond de divisions

Publié le 18/03/2013
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Après plusieurs semaines d’interruption, les négociations pour une nouvelle rémunération reprennent demain, mardi 19 mars. À la veille de ce rendez-vous essentiel pour l’avenir de la profession, les organisations syndicales apparaissent divisées sur la question. Tandis que certains poussent pour l’introduction d’une part d’honoraires de dispensation, d’autres freinent des quatre fers. Les avis divergent également sur la proportion à leur accorder par rapport à la marge commerciale.

LA RÉFORME du mode de rémunération est enfin en marche. Enfin, car, en théorie, l’avenant conventionnel permettant l’introduction d’une part d’honoraires de dispensation aurait dû être signé le 31 décembre 2012 au plus tard. Qu’importe, l’essentiel est que, dans le contexte économique actuel de l’officine, les négociations démarrent. Demain, syndicats d’officinaux et représentants de l’assurance-maladie ont donc rendez-vous pour une première séance de discussions afin de définir les contours d’une nouvelle rémunération.

Les négociations avaient commencé début décembre, pour finalement être suspendues aussitôt. Le directeur général de l’UNCAM*, Frédéric van Roekeghem, avait en effet demandé qu’elles soient reportées au premier trimestre 2013, à cause d’un « manque de visibilité suffisante et de méthodologie de travail ». Quelques mois plus tard, les discussions s’ouvrent donc officiellement, avec la bénédiction du gouvernement. En effet, la ministre de la Santé a déclaré à plusieurs reprises qu’il « n’est plus envisageable aujourd’hui que les pharmaciens continuent d’être rémunérés en fonction de la seule marge réalisée sur la vente des boîtes de médicaments » et que « ce dispositif doit donc évoluer vers la mise en œuvre d’un honoraire de dispensation. » Matignon est sur la même longueur d’onde, assure la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui a été reçue récemment par le cabinet du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. « Nous avons le sentiment d’avoir en face de nous des interlocuteurs qui ont envie de faire cette réforme du mode de rémunération, parce qu’ils en sentent la nécessité », indique Philippe Besset, président de la commission économie de l’officine de la FSPF. Même si ces négociations surviennent dans un contexte économique général difficile et que les marges de manœuvres seront étroites.

Un manque de visibilité.

De son côté, Gilles Bonnefond ne cache pas son inquiétude à la veille de l’ouverture des discussions. « Nous n’avons aucune visibilité, déplore le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Sans enveloppe, on fait du trapèze sans filet. » Il ajoute : « Au mieux, nous disposons d’une enveloppe nulle et encore qui peut, demain, devenir négative. Le seul moyen que l’on nous donne est de nous rattraper sur les pharmacies qui vont disparaître. C’est le piège parfait. » Depuis des mois, Gilles Bonnefond réclame un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État. Une demande qui est restée lettre morte. Aussi, le président de l’USPO se dit « déçu ». « On est en train de gâcher une réforme nécessaire pour la profession », s’indigne-t-il. Car, à ses yeux, le mode de rémunération doit bien évoluer vers l’introduction d’une part d’honoraire de dispensation. Mais une petite part, pour commencer. « Ceux qui veulent aller trop vite conduisent la profession à l’échec », affirme-t-il. En fait, Gilles Bonnefond préconise que, dans un premier temps, l’honoraire permette de compenser la perte de marge liée aux mesures sur le médicament. « Si, par exemple, on perd 200 millions d’euros de marge en raison de baisses de prix, on réinjecte ce montant dans le réseau sous forme d’honoraires », explique-t-il. Parler d’instaurer tel ou tel pourcentage d’honoraires n’a, selon lui, « aucune logique ni fondement économique ».

Un quart de la rémunération.

Ce n’est pas l’avis de la FSPF qui plaide pour la mise en place rapide d’une part significative d’honoraires. « 2013 est passée et nous voulons aller au-delà de l’objectif de 12,5 % initialement prévu, explique Philippe Besset. Si la réforme peut se faire en une fois 25 %, c’est mieux. » La Fédération souhaite également que la réforme à venir fasse basculer une plus grande proportion des ressources des pharmaciens dans le giron de l’assurance-maladie, rendant ainsi moins dépendant les revenus des officines des conditions commerciales. « Le paiement à la performance est pour nous un excellent exemple de ressources affectées aux pharmaciens par l’assurance-maladie pour valoriser son action en faveur du développement du générique », souligne Philippe Besset.

?À l’inverse des deux autres syndicats, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) se montre très réservée sur le principe même de l’honoraire de dispensation. L’organisation estime, en effet, que les honoraires doivent simplement être une rémunération supplémentaire correspondant aux nouvelles missions et mise plutôt sur une relinéarisation de la marge. Quoi qu’il en soit, sa présidente, Françoise Daligault, se dit très inquiète de l’issue des négociations qui ne porteront pas seulement sur l’honoraire, mais aussi sur la restructuration du maillage. « Ce n’est pas à nous de dire quel confrère doit disparaître », explique-t-elle.

À la veille de l’ouverture des négociations, chacune des organisations campe sur ses positions. Les discussions qui s’engagent permettront, peut-être, de rapprocher les points de vue.

* Union nationale des caisses d’assurance-maladie.
› CHRISTOPHE MICAS

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2991