LES SYNDICATS d’officinaux pensaient être reçus cette semaine au ministère de la Santé pour parler, enfin, de l’économie de l’officine. Certes, chacun avait déjà été reçu séparément par le nouveau cabinet de Xavier Bertrand. Mais, apparemment, « rien de concret » ne s’était dégagé jusque-là, indiquait récemment Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Les organisations syndicales s’impatientaient, tout en espérant que le nouveau gouvernement reviendrait sur la proposition avancée par Roselyne Bachelot d’augmenter de 3 centimes d’euro le forfait à la boîte, assortie de TFR.
Xavier Bertrand les a quelque peu pris de court. Sans les prévenir, le ministre de la Santé vient en effet d’adresser une lettre de mission à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans laquelle il demande non seulement d’étudier un nouveau mode de rémunération, mais aussi d’envisager une restructuration du réseau des officines. « Les pharmaciens d’officine revendiquent une revalorisation de leur marge, écrit Xavier Bertrand. Pourtant, le diagnostic de la situation économique du secteur révèle la nécessité de réformes plus structurelles de la profession. » Le ministre de la Santé considère en effet que « tant la restructuration du réseau officinal, marqué par de fortes surdensités locales, que l’évolution des modes de rémunération des pharmaciens d’officine, constituent des enjeux d’avenir pour la profession, mis en lumière par les difficultés que certains rencontrent actuellement ».
Méthode cavalière.
Xavier Bertrand le reconnaît, les difficultés économiques sont liées à une plus grande maîtrise des dépenses des médicaments remboursables ces dernières années. Aussi, pour lui, « cela révèle la nécessité de rendre la profession moins directement et uniquement dépendante de la dynamique de ces dépenses et d’évoluer ainsi vers un nouveau mode de rémunération basé sur un mix associant marge sur les produits remboursables vendus et autres rémunérations des missions de service public des officines ».
En clair, le ministre veut tout remettre à plat, tout en insistant sur le fait que ces évolutions ne devront pas entraîner de surcoût pour l’assurance-maladie. Et il veut voir ce dossier aboutir rapidement. En effet, Xavier Bertrand demande que le rapport des inspecteurs de l’IGAS soit sur son bureau le 30 avril au plus tard.
Du côté des syndicats, l’initiative du ministre de la Santé passe mal. « Nous aurions au moins aimé recevoir une copie du courrier adressé à l’IGAS », indique Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Les trois syndicats ont en effet été prévenus une semaine après les inspecteurs, alors même que la lettre, datée du 9 février, circulait déjà partout. « Nous n’avons jamais été informés de la mise en place de cette mission », renchérit Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), qui qualifie la méthode de « cavalière ». La FSPF, l’USPO et l’UNPF ont d’ailleurs pris leur plume pour faire part de leur mécontentement à Xavier Bertrand.
Un délai trop court.
Au-delà de la forme, les organisations professionnelles s’inquiètent aussi du fond. Le travail demandé aux inspecteurs « dépasse largement le cadre de la rémunération de nouvelles missions », constate Claude Japhet. En effet, analyse-t-il, il s’agit de la refonte complète de la marge, assortie d’une révision de l’organisation du réseau. Or, il n’avait jamais été question de cela. L’objectif initial était de contrecarrer l’arrêt de croissance de la marge commerciale des officines par la mise en place de dispositifs de rémunération complémentaires, et non de remplacer le système de la marge dégressive lissée (MDL) actuel, rappelle en substance le président de l’UNPF.
« L’enquête de l’IGAS est nécessaire si l’on veut mener une réfor?me de fond à moyen et long terme afin de permettre à la profession d’entrer dans la loi HPST », estime pour sa part Gilles Bonnefond. Mais attention, insiste le président délégué de l’USPO, « cette enquête ne doit pas servir de prétexte au gouvernement pour ne pas ouvrir de négociations et ne pas accorder aux officinaux le ballon d’oxygène dont ils ont besoin en urgence ».
« Nous serons vigilants au fait que les inspecteurs de l’IGAS regardent bien l’impact de leurs propositions sur les officines », prévient Philippe Gaertner. Car, souligne-t-il, les pays qui ont changé la structure de leur marge possédaient des systèmes dans lesquels les distorsions entre confrères étaient faibles. Or, dans l’Hexagone, les écarts de marge sont actuellement importants (de l’ordre de 6 points). Quant au délai accordé aux inspecteurs pour rédiger leur rapport, il est à la fois court et long, aux yeux de Philippe Gaertner. « Court », compte tenu des objectifs fixés, mais aussi « long » eu égard aux officines en difficulté.
Claude Japhet le juge, quant à lui, irréaliste au regard de l’ampleur du chantier ouvert par le ministre. « Cela équivaut aux ateliers de l’officine menés en 1997 qui ont débouché sur une révision complète de l’architecture, avec notamment la réforme de la marge et l’arrivée de la substitution générique, explique le président de l’UNPF. Cela avait pris deux ans, tandis que là on nous demande de faire le même exercice en deux mois. C’est n’importe quoi. » D’autant que les syndicats attendent toujours d’être reçu au ministère de la Santé.
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