Après la présentation de « l’observatoire de la rémunération » de l’assurance-maladie, les syndicats de pharmaciens font part d’une situation compliquée en raison de « l’inflation galopante en pharmacie » et pointent deux problèmes grandissants : le développement des médicaments chers et le poids de la charge salariale qui mettent à mal la rentabilité du réseau.
L’observatoire de la rémunération présenté hier par l’assurance-maladie montre une hausse de la rémunération en pharmacie (marge réglementée + honoraires) de 4,8 % en 2022 et de 3,6 % sur le premier trimestre 2023. Une hausse « conséquente » selon l’assurance-maladie, au regard des 10 années précédentes où l’évolution a oscillé entre -3,2 % (2017) et +2,5 % (2019). Un « élément de langage » qui a interpellé les syndicats, comme le relève Guillaume Racle, conseiller économie et offre de santé de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) : « Cette hausse serait conséquente si on avait une inflation à zéro, pas quand l’inflation générale est de 6 % et que l’inflation intraprofessionnelle est encore plus élevée. »
Le président de l’USPO, Pierre-Olivier Variot, rappelle que « l’inflation en pharmacie (+22,3 %) est 2,2 fois plus élevée que l’inflation générale (+10,18 %) entre 2019 et 2022 ». En cause : la hausse des charges externes, dont les charges salariales représentent les deux tiers. Alors que la pharmacie est « le premier employeur des professionnels de santé libéraux, avec plus de 133 000 salariés dans un réseau de près de 21 000 officines », les charges salariales ont augmenté de plus de 12 %. Les raisons ? La loi de l’offre et de la demande a fait bondir le niveau des salaires à l’embauche au-delà de la grille salariale, embauches nécessaires pour faire face à l’activité pendant la crise Covid et à l’explosion des tensions et ruptures d’approvisionnement qui grappillent de plus en plus de temps au comptoir. En outre, le président de l’USPO estime que la hausse de la rémunération de 4,8 % présentée par l’assurance-maladie « est largement surestimée, et quand bien même, avec une augmentation des charges de 12,47 %, on court après l’inflation ».
À ce contexte inflationniste s’ajoute « l’accélération du développement des médicaments chers », qui augmente mécaniquement le chiffre d’affaires des officines tout en plombant la marge. Dans l’observatoire présenté par l’assurance-maladie, cette accélération est perceptible par l’augmentation des honoraires liés aux médicaments spécifiques. Elle est aussi visible dans les tendances du marché du médicament issues du panel Pharmastat (14 000 officines) du cabinet IQVIA sur les cinq premiers mois de 2023, avec une hausse du chiffre d’affaires des médicaments sur prescription mais un fort ralentissement des volumes délivrés. Même constat sur un échantillon de 1 807 officines clientes du réseau d'experts-comptables CGP. Selon son président, Joël Lecoeur, « les médicaments de plus de 150 euros représentent 35,44 % du chiffre d’affaires des produits à TVA à 2,10 % en 2022, et cela s’accélère sur le premier quadrimestre 2023 (+13 %) pour atteindre 39,85 % de ce chiffre d’affaires ». D’après l’expert-comptable, cette situation associée à l’augmentation des frais de personnel qui se poursuit est « catastrophique pour les officines de moins de 1,2 million d’euros de chiffre d’affaires » et très « compliquée pour l’ensemble du réseau » à l’exception notable des grosses officines et de celles installées dans les centres commerciaux.
L’ensemble de ces constats contrebalance les bons chiffres de la rémunération présentée par l’assurance-maladie – que les deux syndicats contestent dans un communiqué commun – et constitue une base de négociation quant au futur avenant économique. Les représentants syndicaux ont décidé de présenter des revendications communes, à commencer par la demande d’un lancement officiel des négociations en septembre, « ce qui implique de commencer les discussions avant », précise l’USPO. Au programme : revalorisation des honoraires liés à l’âge, à l’ordonnance et aux médicaments spécifiques, des actes de vaccination et de dépistage ; déploiement (et rémunération) de la substitution biosimilaire et hybride ; mise en place (et rémunération) de nouveaux services tels que le suivi des patients sous opioïdes, le dépistage du risque cardiovasculaire, l’accompagnement au sevrage tabagique, le déploiement de nouveaux TROD, les soins non programmés hors exercice coordonné, le développement des interventions pharmaceutiques, le renouvellement des ordonnances chroniques à 3 mois...
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