RÉMUNÉRÉS depuis 2004 par un honoraire de délivrance fixé à 8,10 euros par boîte, plus une marge de 3 % destinée à couvrir leurs frais financiers, les pharmaciens allemands réclament depuis plusieurs mois une remise à jour de ce tarif qui, s’il avait été tenu compte de l’inflation, devrait s’établir actuellement à 9,14 euros. Au printemps dernier, le ministre de la Santé a finalement admis qu’une augmentation était légitime, mais il s’est très vite fait recadrer par le ministre de l’Économie, Philipp Rösler, qui s’est toutefois dit prêt à accepter une augmentation de l’honoraire de 25 centimes. Pour les pharmaciens, ce montant constitue une « aumône », voire une « gifle », et ils ont jugé cette offre inacceptable. Quoi qu’il en soit, même ces 25 centimes risquent de n’être jamais attribués, car le ministre des Finances, le tout puissant Wolfgang Schäuble, a catégoriquement désavoué le Dr Rösler en rejetant peu après toute augmentation. Ce couac gouvernemental autour des pharmaciens, survenu en plein mois d’août, a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre, le pays se demandant soudain si les autres ministres avaient encore leur mot à dire face à la politique de plus en plus souvent qualifiée d’absolutiste de la chancelière Angela Merkel et de son ministre des Finances.
Mais les pharmaciens ne baissent pas les bras, et lancent depuis fin août tout une série d’actions locales et régionales, en attendant de s’accorder éventuellement sur un plan national d’ici à l’automne. Mercredi, les pharmaciens de la région de Stuttgart, fief il est vrai du président de leur syndicat national, devaient fermer leurs officines pendant trois heures et travailler avec des guichets de garde. La semaine prochaine, les pharmaciens de Sarre et du Palatinat organiseront une journée de « distribution réduite » dans leurs officines. En clair, seuls les pharmaciens titulaires serviront les clients, et tous les autres collaborateurs se contenteront de leur remettre des tracts d’information. Il y a aura donc, ce jour-là, de longues files d’attentes dans les officines de ces deux régions, afin de montrer au public ce que peut être une pharmacie réduite et sans personnel…
Mise à nue.
Mais la palme de l’originalité revient à une pharmacienne installée dans une petite ville de Bavière, Gabriela Aures, qui n’a pas hésité à poser nue sur des affiches qu’elle a apposées devant sa pharmacie, couvrant toutefois ses attributs les plus féminins par le grand « A » qui est, Outre-Rhin, l’équivalent de nos croix vertes. Comme l’explique la pharmacienne, le succès de cette action a été immédiat : « J’avais envoyé plusieurs articles et courriers sérieux à la presse régionale, qui s’en moquait éperdument, mais lorsque j’ai fait ces photos et que je les ai affichées, tous les médias de la région et même d’au-delà se sont précipités chez moi. » Cela lui a permis d’exposer à la presse ses griefs et ceux de la profession, et plusieurs articles ont été publiés dans les jours suivants. Comme quoi, une fois de plus, le charme fait plus vendre que la compétence et les chiffres…
De nombreuses autres actions régionales se dérouleront dans tout le pays, avant le Congrès national des Pharmaciens qui, début octobre à Munich, pourrait décider de mesures encore plus fortes pour les semaines suivantes. Mais le gouvernement, loin de fléchir, semble même décidé à accroître encore la rigueur dans le domaine de la santé. Il envisage ainsi de baisser la rémunération des médecins libéraux, lesquels pourraient d’ailleurs très prochainement lancer une importante vague de grèves et de protestation. Les tours de vis gouvernementaux sont d’autant plus mal acceptés par les professionnels de santé que l’assurance-maladie a affichée, rappelons-le, un bénéfice record de 10 milliards d’euros fin 2011, qui s’ajoute à des réserves d’un montant équivalent, si bien qu’elle dispose actuellement d’une cagnotte de 20 milliards, qui devrait encore largement progresser d’ici à la fin 2012.
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