Il aura fallu treize ans. Treize ans pour que le projet du dossier médical voie le jour. Car, si tout va bien, cette saga devrait connaître son épilogue fin 2017. À cette date, les Français qui le souhaitent seront dotés d’un dossier médical partagé (DMP). Inscrite à l’article 25 du projet de loi de santé, la mise en œuvre du DMP sera officiellement confiée par un décret d’application à la Caisse nationale d’Assurance-maladie (CNAM). Nicolas Revel, son directeur général se donne deux ans pour déployer le nouvel outil.
Un développement complexe
L’histoire du DMP était jusqu’à présent surtout composée de faux départs, de morts annoncées et de ratages multiples sur son contenu, son calendrier, sa gouvernance, son financement. La France serait-elle aujourd’hui enfin mûre pour ce carnet de santé numérique ? Oui assurément, affirme l’Assurance-maladie. Et de citer les indicateurs de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) selon lesquels 70 % des médecins utilisaient des logiciels métiers en 2014 contre seulement 40 % trois ans auparavant.
Le délai écoulé depuis l’origine de ce projet ambitieux s’explique sans doute par la complexité du chantier. « Comme on ne va pas faire un dossier médical partagé tous les six mois, on réfléchit beaucoup pour y mettre tout ce qu’on veut. Mais, au final, il y a tellement de conditions, de contraintes, d’exceptions, que lorsque le projet arrive entre les mains d’une société de développement informatique, elle constate que ce n’est pas développable », explique Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique (CNNum)*, qui rappelle que la problématique n’est pas propre à la France ; la Grande-Bretagne a ainsi mis un terme à un projet ayant coûté cinq fois plus que le DMP à la française.
Une version « light »
Le DMP qui se profile désormais à l’horizon 2017 se serait-il réduit finalement au plus petit dénominateur commun ? Nombreux sont ceux qui en regrettent l’orientation. En se fondant uniquement sur les soins remboursés, le DMP sera en effet forcément réducteur. « Le DMP à la fin 2016 ne sera pas plus médicalisé qu’aujourd’hui. Ce sera un dossier traitement », remarque Jean-François Thébaut, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS). De là à dénoncer la version « light » de ce DMP nouvelle génération, il y a un pas que certains franchissent en se demandant si sa nouvelle consistance lui permettra d’atteindre son objectif, à savoir une meilleure coordination des soins.
Ce carnet de santé numérique, qui a tronqué l’adjectif « personnel » contre celui de « partagé », sera-t-il en mesure de répondre à cette vocation, avec pour seule base un historique de douze mois (glissants) de soins remboursés ? Sans doute non. On peut en effet regretter que le projet ne s’inspire pas du savoir-faire des pharmaciens dans le développement réussi du dossier pharmaceutique (DP). Ce dernier comptabilise aujourd’hui 37 millions d’utilisateurs quand le DMP expérimental a péniblement touché 500 000 patients.
Une communication indispensable
Pour autant, le DMP nouvelle version offre au patient la maîtrise de ses propres données de santé. Celui-ci sera invité à créer lui-même son dossier sur son compte Ameli.fr. Il fera économiser du temps (57 secondes) à son médecin traitant, mais surtout il engagera dans sa propre prise en charge en désignant les professionnels de santé avec lesquels il souhaite partager ses données.
Le DMP contiendra les données cliniques (imageries, analyses biologiques, compte rendu d’interventions chirurgicales) ainsi que des actes de prévention (vaccinations, dates de dépistages).
Vecteur de sécurité pour les patients dans la transmission des données entre la ville et l’hôpital, le DMP sera renseigné dans la carte vitale de l’assuré. « Il évitera les actes inutiles et redondants », promet l’Assurance-maladie. Une fonctionnalité déjà permise par le DP en matière de traitement. Les professionnels de santé en seront informés via la Messagerie Sécurisé de santé (MSSanté). En retour, un intéressement des praticiens à l’alimentation du DMP est envisagé dans le cadre de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP).
Maillon essentiel du parcours de soins, le DMP devrait constituer à terme, selon Benoît Thieulin, « un outil de l’autodétermination informationnelle du patient ». Encore faudra-t-il que le DMP soit largement diffusé. Une promotion qui ne pourra se faire sans l’aide de professionnels de santé convaincus.
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