3 questions à…

Jean Calop

Publié le 25/04/2016
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Professeur émérite de pharmacie clinique à l’UFR de pharmacie de Grenoble, ancien responsable du pôle pharmacie au CHU de Grenoble
Le quotidien du pharmacien. L’iatrogénie et l’observance sont le plus souvent évoquées pour justifier la place du pharmacien en Ehpad. Son travail doit-il pour autant se limiter à ces domaines d’intervention ?

Jean Calop. Si nous parlons de prévention de l’iatrogénèse face à des patients polymédiqués que sont la plupart des résidents en Ehpad, la première intervention du pharmacien en Ehpad consiste en une analyse pharmaceutique de la prescription.

Pour faire simple, celle-ci suppose que l’on vérifie les interactions, la ou les posologies, tant au niveau de son adaptation que sous l’angle du plan de prise, les contre-indications et enfin, en gériatrie, ce qu’il est convenu d’appeler les médicaments inappropriés.

Quant à l’observance, elle est en Ehpad, spécifiquement « personnel soignant dépendante », au regard de ces patients justement dépendants, souffrant parfois de troubles cognitifs et de manque de motivation (syndrome de glissement). Pour les patients, l’observance est aujourd’hui garantie par deux éléments.

Le premier est la préparation des doses à administrer (PDA) qui permet la dispensation individuelle et nominale au lit du patient. Le second est le personnel soignant qui assiste à la prise du médicament par le patient. La traçabilité doit être assurée pour la délivrance et pour l’administration du médicament.

En dehors de ces deux domaines clés, le pharmacien a également un rôle à jouer dans la conciliation médicamenteuse, avec la vérification de la transmission des bonnes prescriptions, soit en interne, soit à l’issue d’une hospitalisation.

L’ensemble de ces taches est d’autant plus facilité qu’il existe une proximité avec le prescripteur avec lequel il convient de dialoguer pour être efficace. Ces taches doivent pouvoir être évaluées ; elles réclament du temps et une rémunération à la hauteur des économies qu’elles peuvent générer, comme la prévention de certaines hospitalisations.

Le marché de la PDA, considéré comme la porte d’entrée du pharmacien en Ehpad, permet-il au pharmacien de trouver un équilibre financier ?

Pivot essentiel du circuit du médicament en Ehpad, la PDA doit garantir la délivrance du bon médicament au bon patient, à la bonne posologie. Il s’agit d’un acte technique qui suppose un investissement initial parfois important. C’est à chaque pharmacien d’étudier au départ s’il existe un équilibre financier dans les prestations qu’il propose.

En dehors de la PDA, les initiatives qui démontrent une prévention des effets iatrogènes médicamenteux et qui sont des actes plus intellectuels du pharmacien, doivent être rémunérées de manière distincte et forfaitaire. Elles doivent donner lieu à des évaluations dotées d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs. La profession dans son ensemble a parfaitement compris la nécessité de détacher la rémunération de la quantité de médicaments vendue.

Une rémunération des prestations intellectuelles donnerait-elle alors au rôle du pharmacien toute son envergure ?

Oui, pour le pharmacien d’officine elle permettrait une plus grande indépendance, une meilleure crédibilité et une reconnaissance du temps passé dans son cœur de métier. Elle a une justification en terme de santé publique et de prévention des risques et suppose un engagement personnel, des priorités à établir avec une présence et des liens à entretenir avec les infirmières, les aides-soignantes et les médecins prescripteurs.

L’intervention du pharmacien en Ehpad, pour la PDA comme pour l’analyse pharmaceutique des prescriptions, peut faire l’objet d’une Rémunération sur objectif de santé publique (ROSP). Il appartient à la profession de la négocier avec les pouvoirs publics.

Propos recueillis par Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3260