La dégradation économique du réseau s’accélère. Désormais, une pharmacie ferme tous les deux jours. Près de 4 pharmacies sur 10 (36 %) enregistrent une baisse de plus de 10 % de leur résultat courant avant impôt (RCAI), selon l’analyse des bilans 2014 (699 au total) réalisée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et dévoilée lors de la Journée de l’économie organisée par « le Quotidien du Pharmacien ».
La situation est catastrophique pour les officines dont le chiffre d’affaires (CA) est inférieur à 1,2 million d’euros (baisse du revenu de 7 %) et dramatique pour celles dont le CA est en dessous de 800 000 euros et pour lesquelles la perte de revenus s’élève à 20 %. Globalement, les signaux économiques sont dans le rouge pour environ 20 % du réseau, soit entre 4 000 et 5 000 pharmacies. Ces pharmacies en difficultés, installées pour beaucoup en milieu rural, « rendent un réel service à la population », souligne Philippe Besset, vice-président de la FSPF. « C’est ce qui nous a fait réclamer un plan d’urgence en direction des pharmacies les plus fragilisées », ajoute-t-il. Mercredi dernier, à l’occasion de la mobilisation du 30 septembre, le syndicat a en effet adressé un courrier au président de la République pour l’alerter de l’existence de « pharmacies en danger ». Il demande au chef de l’État d’allouer, dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), « les ressources nécessaires au fonctionnement de l’officine française afin qu’elle puisse poursuivre sa démarche de modernisation ».
Principal contributeur
Car pour l’heure, le PLFSS 2016 est une nouvelle fois synonyme de coupe drastique sur le poste médicament. « Les conséquences sur l’économie de l’officine seront les mêmes que l’an passé », estime Philippe Besset. Afin de limiter la croissance des dépenses de santé pour ramener le déficit de la Sécurité sociale sous la barre des 10 milliards d’euros, ce PLFSS prévoit la mise en œuvre d’un plan d’économie de 3,4 milliards d’euros. « Les mesures envisagées se traduisent par une aggravation inédite de la pression sur le médicament appelé à contribuer à hauteur de 1,5 milliard d’euros, précise la FSPF. Ainsi, 55 % des économies contenues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 reposent sur un secteur qui ne représente que 16 % des dépenses. » « Entre 2010 et 2016, le montant des économies sur ce seul poste a été triplé sans aucun bilan de leur impact sur les officines qui voient leur chiffre d’affaires et leurs marges reculer d’année en année », ajoute le syndicat.
« Le médicament est le principal contributeur pour la quatrième année consécutive », constate, amer, Jean-Luc Fournival, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), qui réclame la création d’un ONDAM pharmacie. Selon lui, « il faut aller vers un autre schéma pharmaceutique, le régime obligatoire n’est plus notre avenir ».
L’impact des baisses de prix
Les vagues de baisses de prix qui se succèdent depuis l’an passé pèsent énormément sur les comptes des pharmacies, en particulier celles de « proximité », les réductions tarifaires touchant essentiellement les traitements chroniques (sartans, par exemple). La mesure paraît d’autant plus injuste que ces baisses de prix visent à financer des produits innovants et onéreux dispensés uniquement par les pharmacies hospitalières, tels les nouveaux traitements contre l’hépatite C.
Selon Philippe Besset, l’impact de ces baisses de prix sur la rémunération des pharmaciens représente 208 millions d’euros en 2014 et devrait avoisiner les 220 millions d’euros cette année.
Sur les six premiers mois de l’année, 99,6 % des officines ont été impactées par les réductions tarifaires, avec une perte moyenne par pharmacie de 4 857 euros, évalue l’UNPF.
L’année prochaine ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices, sauf que quasiment aucune mesure de compensation n’est prévue pour 2016, souligne Philippe Besset. Pire, une diminution de l’enveloppe de la prime générique est même envisagée. « Il n’est pas question que la ROSP générique soit revue à la baisse, sinon c’est un plan d’économies qui viendrait s’ajouter aux mesures du PLFSS », prévient le vice-président de la FSPF. « Non aux baisses de prix sans compensation pour l’officine », lance de son côté Philippe Gaertner, président de la FSPF.
Des sources inexploitées
Les baisses de prix sur les produits dits « matures » sont non seulement un drame pour les pharmaciens, mais aussi pour les industriels, indique Pascal Brière, vice-président du GEMME. D’autant que, selon lui, des sources d’économies ne sont pas exploitées, tels les biosimilaires. Rien qu’avec des produits récemment commercialisés (Inflectra et Remsima), 250 millions d’euros pourraient être économisés en une année. Or, regrette Pascal Brière, la législation actuelle, trop restrictive, ne permet de délivrer ces spécialités qu’en initiation de traitement.
Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), en est convaincu, la poursuite de la réforme de la rémunération, avec le passage à l’honoraire à 1 euro au 1er janvier 2016, va encore aggraver la situation, en particulier pour les pharmacies rurales. Au contraire, Philippe Besset affirme que la réforme va apporter 40 millions d’euros à l’officine l’année prochaine. « On ne peut pas renoncer à une ressource supplémentaire », insiste le vice-président de la FSPF. Toutefois, ajoute-t-il, « qu’il faille améliorer le dispositif pour les traitements chroniques dans le cadre conventionnel, est une évidence ».
Certes, rétorque Gilles Bonnefond, mais il n’y aura de ressources supplémentaires qu’à condition qu’il n’y ait plus de baisses de prix, de déremboursements ou de modifications de conditionnement. Si des grands modèles de paracétamol arrivent sur le marché, comme il en existe déjà dans d’autres pays, « on perd 50 millions d’euros », affirme Gilles Bonnefond, l’honoraire n’étant perçu que pour une boîte, quel que soit le nombre de comprimés qu’elle contient. Quant aux déremboursements, les propos tenus par le chef de l’État lors de sa conférence de presse, début septembre, ne laissent rien présager de bon, aux yeux du président de l’USPO. Il faut « être capable de ne pas prendre en compte un certain nombre de médicaments qui n’ont pas d’indication thérapeutique tout à fait décisive, et en revanche de garantir et d’améliorer le remboursement », expliquait alors François Hollande. Pour Gilles Bonnefond, la rémunération doit donc se détacher de la boîte et aller vers un honoraire à l’ordonnance. C’est d’ailleurs ce que prévoit la convention avec l’assurance-maladie, fait remarquer Philippe Gaertner. Albin Dumas, président de l’Association de pharmacie rurale (APR), fait pour sa part observer que les officines des villages délivrent un faible nombre d’ordonnances, et qu’un « honoraire purement à l’ordonnance serait une catastrophe ».
Dispensation du médicament
Tramadol et codéine sur ordonnance sécurisée : mesure reportée !
Formation continue
Transmission automatique des actions de DPC : les démarches à faire avant le 30 novembre
Relocalisation industrielle
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine