Le taux de remboursement de l’honoraire à la boîte est identique à celui du médicament avec lequel il est lié. Il peut ainsi être pris en charge à 15 %, 30 %, 65 %, voire 100 % par l’assurance-maladie obligatoire (AMO). En revanche, les honoraires à l’ordonnance qui entreront en vigueur le 1er janvier 2019 seront tous remboursés à 30 % par les complémentaires et à hauteur de 70 % par l’AMO, voire 100 % quand au moins un médicament est prescrit en ALD.
Jusqu'ici tout va bien. Là où cela se complique, c’est lorsque le contrat d’assurance complémentaire d’un patient ne prévoit pas la prise en charge de médicaments remboursables à 15 % (ex-vignettes orange), voire à 30 %. Car dans ce cas, si la prescription ne comporte que ce type de spécialités, les nouveaux honoraires ne seront pas non plus remboursés par la mutuelle. En fait, l'UNOCAM* considère que le déclenchement de la prise en charge d’une ordonnance par une mutuelle, et donc des honoraires qui peuvent aller avec, doit s'effectuer à partir du moment où figure sur la prescription un médicament qu’elle rembourse habituellement. « Lorsque la complémentaire ne rembourse rien sur une ordonnance, elle ne remboursera pas, à ce jour, les 30 % des honoraires, résume ainsi Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Ils seront néanmoins pris en charge à 70 % par l’AMO. »
Une hausse du reste à charge
Mais si certains patients avaient l’habitude de mettre la main à la poche pour leurs médicaments remboursés à 15 % par l'assurance-maladie, ils devront donc désormais également payer de leurs propres deniers une partie des nouveaux honoraires à l’ordonnance. « Les assurés sociaux supporteront, en plus de la part non remboursée du médicament, la part des nouveaux honoraires de dispensation (à hauteur de 30 %) issus de l’avenant n° 11 de la convention pharmaceutique », déplore ainsi la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui juge cette situation inacceptable. « Soit les signataires de l’avenant n° 11 qui prévoit les nouveaux honoraires - CNAM, UNOCAM et USPO - n’ont pas perçu les conséquences de leur signature sur le reste à charge patient et sur la rémunération de l’officine, soit la CNAM a réussi le tour de force d’échanger de la marge contre des honoraires que les pharmaciens ne percevront pas, soit la CNAM pousse les patients à ne pas demander le remboursement pour obtenir des économies supplémentaires », lance son président, Philippe Gaertner, qui appelle l’assurance-maladie et les complémentaires à trouver une solution urgente afin de corriger cette anomalie scandaleuse qui impacterait économiquement les officines ou augmenterait considérablement le reste à charge des patients. « Je demande aux complémentaires de réviser leur position », insiste-t-il.
Dans un communiqué, le syndicat explique. Un patient âgé de 70 ans qui se voit par exemple prescrire uniquement une boîte de Stilnox (14 comprimés) à 3,09 euros et dont la complémentaire ne rembourse pas les médicaments à 15 %, verra son reste à charge passer de 2,63 euros actuellement à 4,32 euros en 2020, s’il demande la prise en charge par l’assurance-maladie (voir tableau). Car, ironie de la décision, s’il renonce au remboursement par l’AMO, il ne paiera que 3,09 euros, celui-ci n'ayant dans ce cas pas à s'acquitter des honoraires à l’ordonnance. « Dans cet exemple, le patient économiserait 1,23 euro (et même 1,69 euro en tenant compte de la franchise limitée pour ce médicament à 0,46 euro) en ne demandant pas le remboursement, souligne la FSPF. Quant au pharmacien, il perdrait 5,66 euros de rémunération », correspondant à la somme des trois nouveaux honoraires.
Moins de 2 % des prescriptions concernées
Gilles Bonnefond relativise : « Cette situation ne concerne que 1,55 % des ordonnances pour lesquelles les assurés avaient déjà l’habitude de régler le ticket modérateur à hauteur de 85 % sur les médicaments. » Il ajoute : « Tout le monde connaît la solution : les patients vont se faire prescrire un médicament à "vignette blanche" en plus de leur spécialité à "vignette orange". » En désaccord avec cette décision de l'UNOCAM, il entend tout entreprendre pour la faire changer de position.
En attendant, le président de l’USPO accuse la FSPF d’être à l’origine d'un article du « Parisien » dans lequel « elle y affiche notre augmentation de marge sur un exemple isolé, mais, encore plus grave, elle y explique comment détourner les honoraires, et donc la rémunération du pharmacien ». « La profession ne remercie pas la FSPF pour cet article destructeur, démagogique qui salit l’image de notre métier », déclare-t-il. Il craint notamment que cela laisse penser que les pouvoirs publics se sont entendus avec les pharmaciens pour leur accorder des honoraires et laisser un reste à charge aux patients. « La FSPF renvoie une image mercantile de l’officine, contraire à la nouvelle orientation prise par notre profession grâce à l’avenant conventionnel n° 11 applicable au 1er janvier 2018, affirme Gilles Bonnefond. Elle met à mal l’image de la convention qui a fait le choix du patient tout en redressant l’économie de l’officine. »
« Je ne regrette rien, même s'il y a eu de mauvaises interprétations dans la presse grand public », rétorque Philippe Gaertner, qui juge la mesure « déloyale » vis-à-vis des confrères et des malades. Il précise : « C'est la presse grand public qui est venue vers nous après la diffusion de notre communiqué », et non l'inverse. « Je vous laisse imaginer ce que les patients auraient pensé si quelqu'un s'était aperçu de cette hausse du reste à charge après la mise en place des nouveaux honoraires, qu'on leur aurait cachée », ajoute le président de la FSPF. Autrement dit, il est préférable, à ses yeux, que « l'affaire » soit révélée maintenant.
Mais Gilles Bonnefond n'en démord pas, avoir créé cette polémique est pour lui tout simplement « minable ». « Ce syndicat joue au pompier pyromane », lance le président de l'USPO. Le débat autour de la prise en charge des vignettes orange vire au rouge.
*Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire.
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